Quand Djura chante...
Elle chante la femme, elle chante les femmes. Aujourd’hui comme hier, demain comme aujourd’hui, Djura est le symbole de l’artiste engagée. Ses messages, universels, ont valeur d’enseignement et de témoignage. Histoire d’une vie, histoire d’une lutte : portrait.
" Djura s’est élevée très tôt contre la condition de la femme kabyle et de la femme algérienne en général. Quand d’autres chanteuses chantaient la beauté de la femme arabe et des chansons à l’eau de rose, elle, elle disait à ses soeurs qu’il fallait briser le joug du machisme et des traditions, mieux que ça elle a apporté aussi un sang nouveau sur le plan musical : le son Djura ", analyse Yacine Berkani, critique musical algérien.
Mère du féminisme algérien, Djura a forgé son discours avec les vicissitudes d’une jeunesse tiraillée entre modernité et tradition, malmenée dans la recherche de son identité. Elle n’a que cinq ans quand elle débarque avec sa mère et ses deux frères et soeurs à Marseille pour rejoindre son père, parti quelques années plus tôt pour la métropole. L’Algérie était alors encore un département français. Un pays dont la petite Djura ignore tout ou presque. Elle ne parle ni le français, ni même l’arabe. Uniquement le kabyle.
L’Ecole du spectacle
De sa petite chambre du quartier de Belleville, la famille sera relogée dans ce qu’on appelait alors " une cité d’urgence " en plein coeur de Paris avant d’atterrir à la Courneuve en proche banlieue. Ils sont maintenant 9 enfants. Plongés dans un univers culturel qui n’est pas le leur, les parents, pour ne pas perdre plus encore leurs racines, se reposent sur la tradition pour garder leur identité. " Des traditions rétrogrades ", commente Djura. " Le modèle de la société occidentale était plus séduisant que celui qu’on nous offrait à la maison ".
Elle a à peine dix ans que déjà son besoin d’expression se manifeste. Attirée par l’Ecole du spectacle - enseignement général le matin et enseignement artistique l’après-midi - elle ruse avec ses parents en leur disant simplement qu’elle veut " faire la même école que sa copine Fany ". Sans y regarder plus avant, ses parents acceptent sans se douter une seconde que leur fille se prépare déjà pour une carrière artistique. Repérée par les producteurs qui voulaient faire d’elle l’héroïne d’une série télévisée, elle est finalement obligée de révéler le pot aux roses à son père qui se montre on ne peut plus catégorique : " Tant que je vivrai ma fille ne mettra pas les pieds sur les planches ". Sans appel.
L’épisode algérien
" Le vent de l’Occident souffle dans ta tête ma fille ". Longtemps après, ces paroles paternelles restent toujours gravées dans la mémoire de Djura. Un père qui se mettra en devoir de lui serrer encore un peu plus la vis. Il voudrait la marier, la voir en épouse modèle c’est-à-dire mère au foyer. Mais Djura, elle, revendique le droit de choisir son destin. Alors forcément les relations familiales se dégradent.
Après son bac de philo, lasse d’être prise entre le marteau et l’enclume, elle tranche et décide de partir seule à la recherche de son identité. Direction l’Algérie. Elle opère un retour aux sources pour " réaborder la tradition ". En retrouvant sa terre natale, accompagnée de son frère et de sa femme, elle entendait " reconstruire le pays ". Un pays qu’elle dut finalement quitter sous la pression exercée par son propre frère pour qu’elle se conforme au modèle traditionnel de la femme arabe. Soumise. Elle avait fui la peste pour le choléra. De retour en France, elle est purement et simplement séquestrée par son père. Qui espère, en cela, mettre fin aux turpitudes de sa fille et lui mettre enfin un peu de plomb dans la tête. Peine perdue car la rupture familiale est consommée. Djura fugue.
Parcours artistique
Parcours artistique
Travaillant pour subvenir à ses besoins et pour financer ses études, elle décroche une licence puis une maîtrise en Arts Plastiques. Elle veut devenir réalisatrice. A 20 ans, elle a déjà à son actif trois courts métrages et un long " Ali au pays des merveilles ". C’est en cherchant des musiques pour ce dernier qu’elle rencontre son futur producteur, Hervé Lacroix. Il lui propose de se mettre, elle-même, à la chanson. Elle hésite. Puis se lance finalement. " J’ai réalisé qu’avec la musique je pouvais plus facilement porter les messages que j’avais à transmettre qu’avec l’écrit ou l’image. D’autant que je m’adresse à un peuple à tradition orale ". Le pied à l’étrier, elle devait prendre les rênes d’une carrière dont elle ne soupçonnait pas la puissance.
C’est au départ avec ses soeurs qu’elle crée en 1976 son premier groupe Djur Djura. Premières scènes, premiers succès, sa renommée est immédiate. Elle sera la première artiste maghrébine à faire l’Olympia à Paris. La force de ses chansons est avant tout dans ses textes. Textes où elle se fait le porte-drapeau de la femme kabyle. " Je chante tout haut ce que nos mères chantaient tout bas ". Elle tire son inspiration de son vécu et confie " partir d’une démarche personnelle pour aller vers un problème collectif ". Ce n’est plus pour les Kabyles qu’elle chante mais pour toutes les femmes.
Nouveau souffle
Les plus grandes scènes, les plus grandes émissions télé en France, elle est portée par sa musique. Et puis le drame. Une sombre histoire " d’expédition punitive " organisée par des membres de sa famille. Traumatisée, elle quitte la chanson pour une retraite littéraire. Une thérapie. Plus personnelle, plus introspective que la scène. Il en sortira un livre " Le voile du silence ". Best seller.
Après plus de cinq ans d’absence et quatre albums, elle revient aujourd’hui avec un nouvel opus, Uni-vers-elles. L’album du renouveau. L’album des retrouvailles. Sa ferveur intacte, elle a mûri une oeuvre musicalement très aboutie. Une oeuvre qui lui ressemble et pour laquelle elle n’a pas lésiné sur les moyens pour arriver à ses fins. On n’en attendait pas moins d’elle.
David Cadasse
Chants soufis de Nadia At Mansur

La deuxième artiste dont nous recommandons absolument l’album est Nadia At Mansur, tant cette jeune chanteuse remet à l’ordre du jour un style de chant indissociable de la vie spirituelle des kabyles qui est connu sous le vocable Adekkar ou ddkar.
Ce style décrit précédemment, est rattaché à une pratique religieuse qui a pris racine au Maghreb en général et en kabylie en particulier : Le soufisme.
Le soufisme (1) est la voie mystique de l’islam. Les soufis privilégient l’expérience personnelle par rapport à la démarche communautaire. Le Dieu que découvrent les soufis est un Dieu d’amour auquel on accède par amour.
"Qui connaît Dieu, l’aime ; qui connaît le monde y renonce"
Ay ul leh’bab xelli ten
Tsxilek ur ten id tsfekkir’
Ternud’ atmaten edj iten
Wid i k ixedmen lxir’
Iusa d lh’ub ghur’ R’ebbi
Wi iddan d Lleh d win axir’
Ô coeur abandonne les amis
De grâce n’ y pense plus
Quitte également les frères
Ceux qui t’ont fait du bien
L’amour divin est arrivé
Le chemin de Dieu est le meilleur
L’islam a connu son expérience mystique dès le VIIIè siècle. Certains musulmans, voulant vivre la rencontre intérieure entre le croyant et son Dieu, vont se retirer au confins du désert, notamment en Syrie et en Égypte.
Les docteurs de la loi s’en méfient et s’en inquiètent. Ils y verront une déviation de l’islam, en tout cas celui de Mouhammad qui privilégie la communauté à l’individu alors que ces "soufis" (du nom de l’étoffe de laine -Souf en arabe- blanche dont ils se recouvrent) veulent atteindre le salut individuellement. On les appelait fakir ou derwiche qui désignent les pauvres en raison de l’état de dépouillement auquel ils s’astreignent.
Dans leur quête de Dieu, les soufis préconisent le détachement à l’égard des choses de la vie, le jeûne, le silence, la méditation (twehid Uxallaq), etc. autant d’éléments qui vont à l’encontre de la vie communautaire. Mais ce qui inquiète encore plus les docteurs de la loi, c’est la réunion des mystiques sous l’autorité d’un cheikh (Chikh ou Ccix en kabyle), un maître qui développe une liturgie qui lui est propre et des techniques de méditations particulières, ce qui met en péril leur autorité religieuse et leur compétence de théologiens. Leur méfiance est grande vis-à-vis de cette voie qu’il faut suivre pour atteindre l’union intime totale avec Dieu qui procure l’extase.
Ay idjj’an cbigh miâr’uf (2)
D uruz ay deg iteffer
Sebghegh talaba am zaâluk
S’ebh’egh am nuâ d amsafer
Rr’ay fkigh i R’ebbi
Akken i S ihwa isker
Oui, je ressemble à la chouette
Qui se cache au creux d’un arbre
J’ai teint ma robe comme un pèlerin
Je suis comme un vagabond
A Dieu je laisse toute décision
Je me soumets à tous Ses voeux
Cette approche se fait sous l’autorité d’un maître dont le rôle est fondamental dans l’initiation. Autour du maître, le Chikh, s’articule la hiérarchie des lieutenants, des disciples, des aspirants qui obéissent à une discipline stricte. Ainsi naît la confrérie (connue sous le nom de Zaouia en kabylie). Chaque confrérie a ses méthodes d’initiation, des points de repères mis en place par le maître. Cela peut être la prière, la méditation, la musique et la danse, le voyage...Le dhikr par exemple est une prière collective autour du maître qui consiste à réciter des louanges à Dieu.
INFLUENCE DU SOUFISME EN KABYLIE
Le soufisme par sa tolérance a très bien pris racine en kabylie. A ce titre, une grande confrérie, la Rahmaniyya (Tarahmanit en kabyle), organisée au XVIIIè siècle par un cheikh kabyle a suscité l’insurrection kabyle d’El Mokrani en 1870. Elle a par ailleurs engendré un grand personnage considéré comme un Saint, en la personne de chikh (Ccix) Muhand. Notre village lui a rendu hommage à travers un chant de procession dans le style adekker (3) :
Le Chikh Mohand Ouel Hocine
Dont la piété embaume comme un grain d’ambre noir,
Disparut en allant à la source prier.
Ses fidèles se sont dit :
« Le lion l’a mangé » :
Mais lui, dans le secret, cheminait vers la Mecque ;
Ceux qui l’ont rencontré sont venus témoigner.
Je le jure par la Grâce de Dieu,
- A moins que la mort ne m’ait pris -
(Il n’est pas d’autre Dieu qu’Allah.)
Je marcherai parmi les sables,
J’entrerai dans la mer aux poissons.
(Il n’est pas d’autre Dieu qu’Allah.)
Au pèlerinage de l’Hachimi,
J’apparaîtrai sur le seuil du prophète !
(Il n’est pas d’autre Dieu qu’Allah.)
Afin de pouvoir apprécier cette voix magnifique, nous vous invitons à écouter ces extraits des chansons composant l’album.
1 Ur Lli? Je ne suis pas
2 A k Cekkre? Louanges à Toi
3 Ul inu d ameksa Mon coeur est un berger
4 Urji? L’attente Extrait
5 Rebbi fella? d aessas Le seigneur est notre gardien
6 Ddunit a tarju Le monde peut bien attendre
7 Tizerzert tawehcit La gazelle sauvage
8 Subbe? Je suis descendue
9 Ala ad? a? Rien qu’une pierre
Références bibliographiques :
(1) Cyril Glassé, Dictionnaire encyclopédique de l’islam (Bordas, 1991)
(2) Remdan At Mensur, Isefra n at Zik, Poèmes kabyles d’antan, Editions Ibis 1998
(3) Taos Amrouche, Le Grain magique, contes, poèmes et proverbes berbères de kabylie, Maspero 1966 Jean Amrouche, Chants berbères de Kabylie, Maxuala-Radès Tunis, Monomotapa, 1939
Les oeuvres présentées ici peuvent être obtenue auprès de ocoram@wanadoo.fr
Idir, l’espace kabyle et les grands espaces

la Kabylie, cet espace berbère d’Algérie, a sa langue propre, ses valeurs propres, ses revendications propres, ses artistes, ses poètes, ses chantres. S’il faut nommer un seul chanteur kabyle, Idir vient en tête. Le parrain des 22e Nuits d’Afrique a la stature d’un Gilles Vigneault, d’un Félix Leclerc ou d’un Richard Desjardins.
La carrière de cet auteur-compositeur-interprète, né en 1949, remonte à son adolescence alors qu’il se destinait vers des études de géologie. Après un premier tube (Rsed A Yidess) diffusé à Radio Alger en 1973, Idir signait chez Pathé Marconi en 1975 et lançait un album réalisé à Paris: A Vava Inouva, dont la chanson-titre allait devenir un succès planétaire, c’est-à-dire distribué dans 77 pays et traduit en 15 langues.
«J’ai commencé à 17 ans, ça m’a toujours fait bizarre de voir des gens beaucoup plus âgés venir me demander conseil à partir des mots que j’écrivais dans mes chansons. Je crois qu’on m’attribuait des choses qui dépassaient de loin ma compétence. C’était l’effet du succès… C’était être là au moment où il fallait, avec les mots qu’il fallait dire à l’époque. C’est vrai que j’ai vite occupé une place à part, il ne faut pas faire de fausse modestie. Je suis un privilégié, je dépasse le cadre d’un simple chanteur.»
Le sociologue français Pierre Bourdieu, d’ailleurs, a déjà fait observer qu’Idir n’était pas un chanteur mais un membre de chaque famille qui possédait ses disques.
«À travers la tradition dont je suis tributaire, en révélant qui je suis, mes fans retrouvent une tranche de leur histoire dans la mienne.»
Jamais Idir, d’ailleurs, n’a cessé de cultiver une saine proximité avec son public kabyle, qu’il fréquente toujours : «Il est tout à fait normal pour moi d’aller chez les gens comme ça, simplement. Sans eux je ne suis rien, déconnecté, mal à l’aise, je ne peux évoluer comme il le faut. Ce sont les petites gens qui m’attirent, souvent âgées, qui ne savent ni lire ni écrire. Je suis bien en leur compagnie car on évite le superflu. On va tout de suite à l’essentiel.»
Issus d’une tradition orale jusqu’à une période encore récente, les Kabyles algériens n’ont quand même pas peur des mots, bien au contraire.
«Chez nous, la valeur du mot est énorme. Avant la modernité, les tribus kabyles en guerre faisaient s’opposer leurs poètes dans des joutes oratoires. Toutes les tribus se rendaient à l’évidence des mots les plus extraordinaires… et la guerre finissait ! Même les personnes âgées qui vivent encore d’aujourd’hui et qui n’ont pas eu d’éducation veulent d’abord savoir ce que raconte une chanson.»
Chantre de l’identité kabyle dans les années 70, Idir s’identifie aussi à l’espace berbère, qui s’étend des îles Canaries à l’Égypte, du Tchad à la Méditerranée. «On y retrouve la même base linguistique que dans la langue kabyle explique le chanteur. C’est passionnant de voir comment une civilisation qui a couvert un territoire aussi immense a pu résister dans certaines poches stratégiques. Les montagnes, le désert…»
Idir, lui, résiste en région parisienne, bien qu’il retourne très souvent en Algérie où vit encore sa vieille maman de 93 ans. Il explique sa migration: «Dans ma langue maternelle, je n’étais pas reconnu de fait en Algérie. Je n’arrivais pas à m’épanouir. J’en étais même venu à me demander si la société occidentale n’avait pas eu raison de moi, si je ne courais pas après un pays qui s’éloignait chaque jour un peu plus. L’espace kabyle subit l’arabisation à outrance, l’idéologie a pris le pas sur le reste de la vie. On a uniformisé cette région avec un chômage énorme… Je crois qu’on ne veut pas d’une région qui puisse être une conscience, une matière grise, car ça fait peur aux gens qui sont en face.»
Outre le kabyle qui constitue son premier véhicule linguistique, le français est aussi une langue d’expression pour Idir. En témoigne La France des couleurs, un album de 17 titres réalisé l’an dernier avec une foule de jeunes artistes français issus tous horizons raciaux et culturels. Jeudi soir, il compte d’ailleurs présenter un répertoire bilingue au public des Nuits d’Afrique.
«J’ai été nourri au biberon de Brel, Brassens, Ferré, Vigneault et Leclerc. Des enregistrements québécois chez moi à l’époque? Bien sûr. Nous étions des enfants de l’indépendance, nous étions ouverts, nous recevions Fidel Castro et le Che. Nous avions réussi notre révolution, nous étions le phare du Tiers-Monde, champion du non alignement. Toute l’Afrique était en marche vers la décolonisation, tu imagines la fierté d’un lycéen algérien de 17 ans? C’était une période très porteuse», souligne-t-il, sans cacher son bonheur de parrainer un festival qui célèbre l’Afrique dans toutes ses couleurs.
Cela étant, Idir ne semble plus retrouver tous ses repères dans le nouveau paysage culturel de Kabylie «Les chanteurs des plus jeunes générations, pense-t-il, font plus dans l’illustration et dans le folklorisme. Je suis profondément kabyle dans l’âme mais ça ne m’empêche pas de venir au Québec, de m’imprégner de l’Autre. Or, j’ai l’impression que là-bas, on s’en tient au kabylo-kabyle. Et ça m’énerve un petit peu. Ce n’est pas la Kabylie qui doit l’emporter chez un artiste kabyle, c’est son art. Si je te regarde, je préfère te débusquer dans ton clin d’œil, dans ta manière de sourire. Ça me renseignera plus sur toi que tes idées.»
Pour Idir, en fait, l’art est un combat du profane sur le sacré, c’est le pouvoir de dire non et donc le pouvoir de plaire, d’attirer des gens juste par la beauté du mot et d’une belle mélodie.
«En vieillissant, confie-t-il en concluant, je me suis rendu compte que la musique était quelque chose d’essentiel à mon travail. Mais j’ai longtemps cru que la musique était un prétexte pour dire un mot. Oui, j’aurais fait des joutes oratoires si j’avais vécu au 19e siècle. Et j’aurais remporté des victoires!»
«J’ai commencé à 17 ans, ça m’a toujours fait bizarre de voir des gens beaucoup plus âgés venir me demander conseil à partir des mots que j’écrivais dans mes chansons. Je crois qu’on m’attribuait des choses qui dépassaient de loin ma compétence. C’était l’effet du succès… C’était être là au moment où il fallait, avec les mots qu’il fallait dire à l’époque. C’est vrai que j’ai vite occupé une place à part, il ne faut pas faire de fausse modestie. Je suis un privilégié, je dépasse le cadre d’un simple chanteur.»
Le sociologue français Pierre Bourdieu, d’ailleurs, a déjà fait observer qu’Idir n’était pas un chanteur mais un membre de chaque famille qui possédait ses disques.
«À travers la tradition dont je suis tributaire, en révélant qui je suis, mes fans retrouvent une tranche de leur histoire dans la mienne.»
Jamais Idir, d’ailleurs, n’a cessé de cultiver une saine proximité avec son public kabyle, qu’il fréquente toujours : «Il est tout à fait normal pour moi d’aller chez les gens comme ça, simplement. Sans eux je ne suis rien, déconnecté, mal à l’aise, je ne peux évoluer comme il le faut. Ce sont les petites gens qui m’attirent, souvent âgées, qui ne savent ni lire ni écrire. Je suis bien en leur compagnie car on évite le superflu. On va tout de suite à l’essentiel.»
Issus d’une tradition orale jusqu’à une période encore récente, les Kabyles algériens n’ont quand même pas peur des mots, bien au contraire.
«Chez nous, la valeur du mot est énorme. Avant la modernité, les tribus kabyles en guerre faisaient s’opposer leurs poètes dans des joutes oratoires. Toutes les tribus se rendaient à l’évidence des mots les plus extraordinaires… et la guerre finissait ! Même les personnes âgées qui vivent encore d’aujourd’hui et qui n’ont pas eu d’éducation veulent d’abord savoir ce que raconte une chanson.»
Chantre de l’identité kabyle dans les années 70, Idir s’identifie aussi à l’espace berbère, qui s’étend des îles Canaries à l’Égypte, du Tchad à la Méditerranée. «On y retrouve la même base linguistique que dans la langue kabyle explique le chanteur. C’est passionnant de voir comment une civilisation qui a couvert un territoire aussi immense a pu résister dans certaines poches stratégiques. Les montagnes, le désert…»
Idir, lui, résiste en région parisienne, bien qu’il retourne très souvent en Algérie où vit encore sa vieille maman de 93 ans. Il explique sa migration: «Dans ma langue maternelle, je n’étais pas reconnu de fait en Algérie. Je n’arrivais pas à m’épanouir. J’en étais même venu à me demander si la société occidentale n’avait pas eu raison de moi, si je ne courais pas après un pays qui s’éloignait chaque jour un peu plus. L’espace kabyle subit l’arabisation à outrance, l’idéologie a pris le pas sur le reste de la vie. On a uniformisé cette région avec un chômage énorme… Je crois qu’on ne veut pas d’une région qui puisse être une conscience, une matière grise, car ça fait peur aux gens qui sont en face.»
Outre le kabyle qui constitue son premier véhicule linguistique, le français est aussi une langue d’expression pour Idir. En témoigne La France des couleurs, un album de 17 titres réalisé l’an dernier avec une foule de jeunes artistes français issus tous horizons raciaux et culturels. Jeudi soir, il compte d’ailleurs présenter un répertoire bilingue au public des Nuits d’Afrique.
«J’ai été nourri au biberon de Brel, Brassens, Ferré, Vigneault et Leclerc. Des enregistrements québécois chez moi à l’époque? Bien sûr. Nous étions des enfants de l’indépendance, nous étions ouverts, nous recevions Fidel Castro et le Che. Nous avions réussi notre révolution, nous étions le phare du Tiers-Monde, champion du non alignement. Toute l’Afrique était en marche vers la décolonisation, tu imagines la fierté d’un lycéen algérien de 17 ans? C’était une période très porteuse», souligne-t-il, sans cacher son bonheur de parrainer un festival qui célèbre l’Afrique dans toutes ses couleurs.
Cela étant, Idir ne semble plus retrouver tous ses repères dans le nouveau paysage culturel de Kabylie «Les chanteurs des plus jeunes générations, pense-t-il, font plus dans l’illustration et dans le folklorisme. Je suis profondément kabyle dans l’âme mais ça ne m’empêche pas de venir au Québec, de m’imprégner de l’Autre. Or, j’ai l’impression que là-bas, on s’en tient au kabylo-kabyle. Et ça m’énerve un petit peu. Ce n’est pas la Kabylie qui doit l’emporter chez un artiste kabyle, c’est son art. Si je te regarde, je préfère te débusquer dans ton clin d’œil, dans ta manière de sourire. Ça me renseignera plus sur toi que tes idées.»
Pour Idir, en fait, l’art est un combat du profane sur le sacré, c’est le pouvoir de dire non et donc le pouvoir de plaire, d’attirer des gens juste par la beauté du mot et d’une belle mélodie.
«En vieillissant, confie-t-il en concluant, je me suis rendu compte que la musique était quelque chose d’essentiel à mon travail. Mais j’ai longtemps cru que la musique était un prétexte pour dire un mot. Oui, j’aurais fait des joutes oratoires si j’avais vécu au 19e siècle. Et j’aurais remporté des victoires!»
Source: La Presse
Hnifa, une vie brûlée
Documentaire sur une grande figure de la chanson kabyle
Hnifa, une vie brûlée, film documentaire réalisé par Ramdane Iftini et Sami Allam, adapté du livre biographique du journaliste Rachid Hamoudi, a été projeté en avant-première jeudi dernier à la maison de la culture Mouloud Mammeri de Tizi Ouzou.
D’une durée de 60 minutes, l’œuvre retrace la vie tumultueuse de cette grande dame de la chanson kabyle (1924-1981) au destin tragique souvent comparé à celui d’Edith Piaf. Le portrait aborde en filigrane la situation sociale des Algériens durant la colonisation, l’émigration, la création de la radio d’expression berbère, les débuts de la révolution.
Musicalement, il nous replonge par le truchement de l’image et du son dans le monde merveilleux et éternel des chouyoukh du chaâbi comme El Anka, M’rizek et les autres ténors de la chanson algérienne des années d’or tels que Fadhila Dziria, Slimane Azem, Cherifa, Nouara…
Musicalement, il nous replonge par le truchement de l’image et du son dans le monde merveilleux et éternel des chouyoukh du chaâbi comme El Anka, M’rizek et les autres ténors de la chanson algérienne des années d’or tels que Fadhila Dziria, Slimane Azem, Cherifa, Nouara…
Pour revenir au sujet du film, le réalisateur s’est contenté de deux témoignages sur Hnifa. Une amie d’enfance de la chanteuse et l’auteur compositeur Kamel Hamadi. Peu d’images aussi sur l’artiste disparue si ce n’est quelques séquences vivantes puisées dans deux films dans lesquels l’artiste a joué un rôle de figurante. Mais cela ne diminue en rien à la qualité documentaire et technique de ce film qui a reçu l’olivier d’or dans la catégorie documentaire lors de la 8e édition du Festival du film amazigh qui s’est déroulé à Sétif et qui vient de décrocher le prix du meilleur sujet au panorama du cinéma algérien organisé à Riadh El Feth.
« On n’a pas la prétention d’avoir ramassé la vie de Hnifa en une heure de temps. Notre documentaire n’est qu’un petit travail pour perpétuer la mémoire de cette grande dame de la chanson berbère (...). On n’a pas de biographies (livres, films). Dès qu’un artiste disparaît, on reste dans les hommages posthumes », a indiqué M. Iftini. Rachid Hamoudi, auteur du texte, dira pour sa part : « Hnifa, c’est d’abord une femme qui a eu une vie très tourmentée qui se prête à bien à l’écriture.
C’était aussi un fil d’Ariane pour faire connaître le contexte culturel dan slequel elle a vécu. On ne parle pas que d’elle dans le documentaire, mais aussi des autres chanteurs, de l’histoire de la radio, de l’apport des artistes de l’émigration à la révolution, de l’exil, etc. Il faut dire aussi que nous manquons de biographies sur les grands artistes ou écrivains. Peu d’entre eux se sont livrés sauf peut-être Bachtarzi, Mohamed Hilmi, Rouiched et ces dernières années Djohra Abouda et Matoub Lounès dans leurs livres. La plupart étaient illettrés et les récits autobiographiques sont également peu prisés dans une société où la pudeur est une valeur centrale. A l’exception du journal de Feraoun, de notes de Rachid Mimouni même nos écrivains se sont contentés de fiction. Il y a aussi un manque cruel d’archives au niveau des éditeurs de l’époque ou des organismes de spectacles. Il y a 10 ans, les archives de l’entreprise étaient dans un état lamentable.
A propos de Hnifa, on l’a comparée à Edith Piaf. Sait-on combien de livres et tout récemment un film (La Môme) qui lui ont été consacrés ? Au hasard, que connaît-on vraiment de Fadhila Dziria, de Tetma ou pour rester dans le champ culturel d’expression kabyle de Mouloud Mammeri, de cheikh Aheddad ? Un documentaire, un film, une émission permet d’abord à mon humble avis de faire connaître aux nouvelles générations une partie de leur histoire et de leur identité. Il faut retisser les fils distendus de la mémoire. »
Ahcène Tahraoui
- Projection du film-documentaire fiction Hnifa, une vie brûlée de Ramdane Iftini et Sami Allam
La diva ressuscité par le cinéma

La projection débat du film documentaire de Ramdane Iftini et Sami Allam, Hnifa, une vie brûlée, a eu lieu jeudi dernier au siège de l’association. Il s’agit de remettre en séquences l’adaptation du livre de Rachid Hamoudi, qui retrace la vie tumultueuse d'une artiste à la voix unique dotée d’un talent hors norme, et ce depuis sa naissance en 1924 jusqu'à sa disparition en1981.
L’immortelle diva de la chanson kabyle renaît de ses cendres. En effet, un documentaire a été présenté comme le récit d’une vie et d’un parcours hors du commun au format fiction. ainsi, sur 52 minutes de fiction, cette dernière retrace sa vie et avait sa place vu le manque d'images et de son de Hnifa, hormis ses chansons, son passage dans le film l'Incendie et quatre photos que le réalisateur a choisies de présenter façon Marilyn Monroe par Andy Warhol. Dans le cadre de la manifestation "Alger, capitale de la culture arabe 2007", la salle Algéria projettera aujourd’hui l’avant-première du documentaire consacré à la diva de la chanson kabyle, Hnifa.
Le film-documentaire intitulé Hnifa, une vie brûlée, retrace la vie et la carrière artistique de la chanteuse kabyle (1924-1981). Le film de 52 mn est produit et réalisé par Ramdane Iftini, en collaboration avec Samy Allam. Cette réalisation cinématographique est inspirée d’un texte du journaliste Rachid Hamoudi. Artiste au destin tragique, Hnifa est née dans un village de Haute Kabylie et à l’époque elle connut, à l’instar du reste de ses congénères, l’émigration vers la Casbah d’Alger d’abord et vers la France ensuite. Elle a chanté l’amour, la misère, l’exil...des thèmes en somme qui décrivent la tourmente et les destins contrariés.
Hnifa est décédée en 1981, dans un hôtel parisien. Sa dépouille est restée près d’un mois à la morgue, avant d’être enterrée dans un cimetière de la banlieue parisienne. Grâce à sa fille et aux artistes de sa génération, ses ossements ont été rapatriés au cimetière d’El Alia. Ramdane Iftini, coauteur avec Samy Allam du documentaire, Hnifa, une vie brûlée, n’est pas revenu de la 8e édition du Festival du cinéma amazigh, les mains vides. Premier produit, premier prix !
Le réalisateur, qui signe là son premier documentaire sur la vie et aussi le contexte socioculturel dans lequel a vécu l’artiste, a raflé la plus haute distinction de ce rendez-vous cinématographique, l’Olivier d’or. Un trophée qui vaut 200 000 DA et plus que ça : un symbole !
Le réalisateur déclare à ce sujet : “Sincèrement, j’avoue que tous les gens qui font un travail dans n’importe quel domaine artistique s’attendent à être récompensés de quelque façon que ce soit. Les prix en Algérie, je n’en ai pas une grande idée, mais en tout cas c’est toujours un plus pour ceux qui les arrachent en proposant une œuvre quelle qu’elle soit. Cela ouvre certainement d’autres portes aux lauréats pour de nouvelles productions artistiques et leur permet également d’avoir une sorte de carte de visite qui convainc”.
A une question de savoir ce qui a motivé son choix, le réalisateur déclare : "Au départ, ce produit devait être un livre cosigné avec Rachid Hamoudi. Nous avions tenté de reconstituer la vie, le parcours de Hnifa, et aussi tout le contexte socioculturel de l’époque. L’ouvrage était bouclé en 1993, et au moment de l’éditer Rachid Hamoudi et moi-même avions quitté Alger. Ce n’était pas la seule raison qui a motivé la non-édition du manuscrit, c’est surtout le fait que le document n’était pas très étoffé, il contenait 80 pages, et nous n’avions pas trouvé plus de quatre photos d’archives. C’est par la suite, sur la base de ce travail que nous avions, au début des années 90, reconstitué le scénario de l’œuvre Hnifa, une vie brûlée. A l’écran, nous avions buté sur un tout autre problème : celui du manque d’images d’archives. Extrêmement rares étaient les images qui mettaient en scène Hnifa.
Il y avait une seule séquence d’elle dans El Hariq de Mustapha Badie, où elle a campé un petit rôle, mais il fallait le savoir ! Dans notre documentaire, nous avons donc opté pour une reconstitution de quelques événements historiques qui s’étaient déroulés entre 1924 – date de la naissance de Hnifa et le début des années 80 – date de sa mort en 1981-, puis nous avions également reconstitué l’historique des figures marquantes de la scène lyrique, à commencer par Sfindja, entre 1910 jusque dans les années 80, avec notamment l’émergence de Ferhat Imazighen Imoula et Idir”.
Merbouti Hacene
Source: La Dépêche de Kabylie N° :1747
Date 2008-03-01
Ait Menguellet : Un homme, une vie, une œuvre
Que dire sur Ait Menguellet ? Tout ou presque a été dit sur ce personnage hors du commun. C’est une légende vivante. C’est une saga époustouflante. En tant que chanteur et poète, en tant que barde et aède, cette personnalité aimée, choyée, adulée voir idolâtrée est parfois controversée et remise en cause. C’est à l’image de son parcours mirobolant « D amqran ghaf imuqran-an d amectuh ddaw rebbi ».
C’est à Alger où il étudiait, sous la protection de son frère, qu’il débuta sa carrière artistique. Mais vite, il rejoint son village natal Ighil Bwamas, en Kabylie, qu’il ne quitte que rarement depuis, et c’est là qu’il se ressource auprès des siens, auxquels il consacre toute son œuvre, toute sa vie. Ighils bwamas est perché sur une colline qui fait face à la célèbre main du juif, nommée par les autochtones « Taletat ». Ces deux lieux (Ighil bwamas et Taletat) semblent figés là par les temps et condamnés à se regarder en chiens de faïence. Les villageois d’Ighil bwamas croient savoir que Taletat veille comme un bouddha sur leur village et ses habitants depuis l’aube des temps. La neige se charge la plupart du temps à l’immaculation de cette région montagnarde, austère et pauvre. A part l’attachement à la terre, rien ne peut retenir les gens ici. « Tamurt iw d izurar ghef idurar icuden nebla imurar s igenwan » dixit l’artiste dans l’une de ses chansons ou encore « lbaz ma ixus it udrar afrux kan ada s semin ».

Avec la chanson, Ait Menguellet a atteint des sommets que beaucoup lui envient. A l’aurore de sa vie artistique, il s’est frayé un chemin entre des noms gigantesques. Personne ne donnait cher de sa vocation. Le quitus qui le guidera vers la gloire lui a été délivré par feu Cherif Kheddam en 1966 dans la célèbre émission « Ighenayen Uzekka » avec son premier tube « Ma Trudh » ou « Si tu pleures ». C’est entre des maîtres incontestés et incontestables des années soixantes qu’il a poussé ses premiers cris enchantés. A cette époque, il fallait être téméraire et intrépide pour s’engouffrer dans le wagon des ténors tel que Yahiatene, Slimane Azem, cheikh Nouredine etc… Aujourd’hui, Ait Menguelet règne en maître sur la canopée d’une jungle artistique sans foi ni loi. Il est indétrônable. Il est le digne héritier de la vieille génération.
C’est donc timidement qu’il s’est incrusté dans le train musical de l’époque avec une destination incertaine pour lui. Il a gravi les échelons graduellement sans se presser, chose qui l’a conduit là où il est aujourd’hui. La saga lounis ne peut-être narrée à la légère, ni contée comme une fable ordinaire. C’est du domaine des initiés. L’homme est à la mesure de sa notoriété. Il a le verbe aiguisé qu’il lacère tous ceux qui daignent y jouer avec. Il est un jongleur émérite avec le sens des mots qu’il est rare de trouver deux interprétations identiques à sa poésie. Dans sa bouche, un mot est l’égal d’un livre. Le peuple dit toujours que lui seul (lounis) sait ce qu’il veut dire et il détient le secret de sa thématique parfois philosophique et parfois encore métaphysique. On lui colle même un don prophétique jusqu’ à supposer la réalisation de ses oracles. « Llemer a dinigh ayen ilan tasardunt att arew mmis » assène t-il dans une de ses chansons pour mieux cultiver le mythe. Ait Menguelet crée la polémique et enflamme les discussions. Il génère des débats. Pour lui les mots ont des sens divers et chacun y trouve ce qui lui sied dans une même lexicologie. Le cœur et le cerveau ne perçoivent pas les messages de la même façon. Chaque personne capte ce qu’elle veut à travers les oracles que le chanteur clame et déclame. Le mot pain ne signifie pas nécessairement la même chose pour le riche ou le pauvre. Lounis a chanté les frustrations d’un peuple et d’une cause dans les soubresauts récurrents qui les ont accompagnés. Etant lui-même un organe dans ce corps en souffrance, il ressent donc, sûrement et indéniablement, ses douleurs.
Le poète utilise les mots justes pour le besoin de sa poésie ésotérique et de la beauté du verbe rimé, lui qui colle les messages à la périphérie de ces mêmes mots. L’homme dont la mémoire est telle une mer déchainée où foisonne l’inspiration, traine derrière lui une carrière riche et plurielle qu’aucune Iliade ne pourra louer. La vie, lui, il la résume à trois mystiques jours. Si pour Jaques Brel la vie se termine bizarrement à seize ans, puisqu’à cet âge, on a déjà tout vécu dans les rêves, pour lounis Ait Menguelet, l(s)a vie se résume à trois jours fatidiques ou si l’on veut symboliques. La découverte de l’amour, la séparation avec un être cher et le mariage. J’espère seulement ne pas me tremper d’interprétation de son tube « Acu mi cfigh, acu yezrigh, Siwa telt yam di l3emr iw » que je traduirais par : « De ma vie je ne retiens que trois moments ».
Libre aux admirateurs de philosopher sur ces moments vitaux, il n’y a que lui qui pèse le sens et la valeur de chacun de ces moments. Sans doute qu’il a été marqué par des événements cruciaux. Ce n’est pas tout sans aucun doute. . Avec une sagacité et une intelligence hors normes, il a réussi à éviter tous les pièges d’un parcours artistique impitoyablement époustouflant et ce, dans une société ingrate envers son élite. Une société résistante, refusant tout ce qui vient en amont. L’homme a survécu aux amalgames et aux tricheries des uns et des autres. Il a sauté par-dessus les mines fratricides et antagonistes sans relâches. Ce qui fait de lui à chaque étape, un homme encore plus endurci. Les bouleversements et les dures épreuves sont, peut-être, le terreau de sa foisonnante création. « Il est paraît-il des terres brulées donnant plus de blé qu’un meilleur avril » dit le géant de la chanson française, le belge Jacques Brel.
Ait Menguellet est un mythe complexe. Il cultive lui-même le mystère et la confusion. Il provoque l’incompréhension. Il se cache derrière un voile qui ne laisse transparaître de lui que la silhouette ou l’avatar qu’il veuille bien nous laisser voir. Il ne nous largue à la figure que l’image qu’il préfère nous servir de lui. «Samahtiyi nek d amedah Ur n hebbes di tikli, ittebda taburt taburt ayen inwa tidett att yini » ou « Excusez-moi,-moi qui n’est qu’un aède faisant du porte-à-porte en criant la vérité à qui veuille bien l’entendre ».
En politique, il caricature presque volontiers. L’amalgame et la contradiction sont ses atouts gagnants. L’exercice lui a certes causé des trébuchements mais il n’est jamais tombé. Il laisse ses adversaires perplexes jusqu’au dépit et au rejet. Il ne s’en offusque nullement. Il génère des questions pour que son œuvre ésotérique attire l’attention et fasse débat. Tout le monde veut l’avoir de son côté mais lui, il préfère avoir tout le monde de son côté. Sacré Lounis ! Il ruse avec ses émules pour que nul ne réussisse à le coincer. De sa vie personnelle, on ne connait que des brindilles. Il n’étale pas ses faits d’armes et ne réclame rien à ceux qui l’aiment. Il garde ses distances avec son public et ses concitoyens. Tout ce qu’il souhaite, il le distille à travers ses chansons. Il fait de sa poésie et de sa guitare ses alter egos. Il s’adresse à eux presqu’affectueusement comme des êtres vivants. « Qimed greb iw kes iyi lxiq a tin hemlegh kes iyi urfan, qimed g rebiw ara kemini i snizemran mi des teqsan » ou « viens prés de moi ô ma guitare, déleste-moi de mes soucis et de mes déboires, il n y a que toi qui peut les affronter » demande t-il sa guitare. (C’est ce que j’ai cru comprendre !).
Il a chanté l’amour au temps où le terme était tabou. Dans la (sa) kabylie d’après-guerre, le mot amour attirait les foudres à celui qui osait le susurrait. C’était le temps des dogmes rigoureux. Point de place aux iconoclastes. La relation amoureuse était un luxe étranger aux mœurs endogènes d’une région kabyle quasi endogamique et la relation intime ne se vivait que dans les nuits sombres de la vie conjugale imposée par le clan. Dans cette contrée isolée et conservatrice d’une Algérie à réinventer, on imposait la vendetta et les épées sortaient de l’étui envers ceux qui osaient braver les interdits. L’honneur de la tribu se devait d’être protégé. Mais le jeune Lounis, malgré tout cela, a chanté les amours, sans offense et sans remous envers les traditions séculaires et ancestrales et ce malgré une thématique textuelle osée. Il a su trouver les mots sans générer de maux à la société qui l’a vu naître. « D a3ebwaj bwawal ». Il n’a jamais heurté la sensibilité d’une communauté repliée sur elle-même depuis la nuit des temps. « El hub si nett sethi cebhenk seman ak Tayri ma d nek i3ejvi yismik », il le reconnait, plus tard explicitement après la venue des néologismes amazigh. Il reconnait implicitement qu’il ressentait une honte et une gêne à chaque fois qu’il prononçait le mot amour à consonance arabe. C’étaient ses années d’or. Il a divinisé la femme au point où il ne parlait que d’elle. Il lui a donné tous les prénoms possibles, Louiza, Djedjiga, Tassadit … si l’on creuse profondément dans son œuvre au tout début, on s’efforcerait de croire qu’il chante l’amour pour les autres tandis que lui-même en est absout. Il chante l’amour pour mieux s’exorciser de ses souffrances. « Enughegh yidek ayul- iw » ou « je me bats chaque jour avec toi ô mon cœur » est le titre où il remet en cause les appels de son cœur pour une vie en rose. Un dialogue de sourds s’engage entre lui et ce dernier sur les choix de la vie. La vie pour lui n’est qu’un chapelet de dures épreuves qu’il faut conquérir au prix de sacrifices tumultueux. « I kerhi wul iw atas mi kerhegh tina ihemel ».
Avec l’âge et la libéralisation politique dans le pays et dans le monde, l’artiste change de cap et s’enfonce petit à petit dans le sentier des luttes populaires. Avec minutie et acrobatie, il participe à l’éveil consciencieux des masses. Au crépuscule des années soixante-dix et à l’aube des années quatre-vingt, Ait Menguelet intègre les chaumières battantes du combat identitaires. « Ali D wali », «Akka Ammi », « Askuti » sont devenus des hymnes pour les militants de la liberté et du combat identitaire. Les cassettes audio de Lounis dans une poche pouvaient attirer des ennuis. Dans sa célèbre chanson « Akka Ammi », il montre le chemin qui mène au sommet de l’état avec toutes ses intrigues et ses ruses. Avec l’éclatement des événements d’avril 1980 (le printemps berbère), un mur salutaire était hissé entre lui et les autorités politiques. C’était le divorce entre la Kabylie et le pouvoir d’Alger et toucher à un symbole tel qu’Ait Menguelet pouvait embraser la région et mener le pays tout entier droit au chaos. Il le dit fièrement dans sa chanson « a taqbaylit »
Son combat pour l’identité et l’émancipation, il le menait sur la lame aiguisée d’une épée tellement il était difficile d’être au devant de la scène quand la suspicion et la compromission étaient les leitmotivs du moment. Il appréhendait légitimement l’engagement frontal.
Après le semblant d’ouverture démocratique survenu après les évènements d’octobre 1988, l’artiste a emprunté un autre chemin dans le but d’accompagner le peuple dans sa soif du changement. Il se transforme en guide quasi spirituel d’une société qui venait juste de sortir d’un demi-siècle de dictature. Il n’a pas cessé durant cette période d’attirer l’attention sur les dérives d’une démocratie de façade et désordonnée. A l’intention des siens, il prodigue conseils et recommandations dans une poésie porteuse d’avertissements. Il était de ceux qui ne croyaient pas à la providence d’un parti unique transformé en multitude de partis uniques. « ghurwet », « Akka ammi » et dans bien d’autres titres, Il n’a de cesse d’appeler a l’union et à l’entraide et aussi à la clairvoyance et la retenu. La fraternité est le seul impératif de toute contestation. Il lance des appels incessants au peuple dupé pour un sursaut d’honneur et un réveil face à la machination diabolique du FLN. Avec sa poésie et sa musique comme seuls armes, il ne s’encombre jamais de bons procédés pour rappeler sa naïveté à la Kabylie pacifiée. Etant désarmé et refusant de s’engager dans des luttes fratricides, il essaye avec ses diatribes poétiques de vivifier la conscience d’une cause en déperdition, la cause amazigh. Après « Ataqvaylit yecreq yitij yuli was » il s’excuse de rectifier le tir par « Taqvaylit macci yiwet kul yiwen ttaqvaylit is ». Durant les années de braises qui a vu tant d’hommes mourir dans une guerre fratricide sans pitié ou tout le monde accuse tout le monde, lounis a averti les uns et les autres. Dans « A yinigi gidh » il prédit la catastrophe pour ceux qui voulaient être les justiciers d’une cause qui leur échappe. « tes3a utes3in dahlalas tus miya atteglu yisek ».
Après le semblant d’ouverture démocratique survenu après les évènements d’octobre 1988, l’artiste a emprunté un autre chemin dans le but d’accompagner le peuple dans sa soif du changement. Il se transforme en guide quasi spirituel d’une société qui venait juste de sortir d’un demi-siècle de dictature. Il n’a pas cessé durant cette période d’attirer l’attention sur les dérives d’une démocratie de façade et désordonnée. A l’intention des siens, il prodigue conseils et recommandations dans une poésie porteuse d’avertissements. Il était de ceux qui ne croyaient pas à la providence d’un parti unique transformé en multitude de partis uniques. « ghurwet », « Akka ammi » et dans bien d’autres titres, Il n’a de cesse d’appeler a l’union et à l’entraide et aussi à la clairvoyance et la retenu. La fraternité est le seul impératif de toute contestation. Il lance des appels incessants au peuple dupé pour un sursaut d’honneur et un réveil face à la machination diabolique du FLN. Avec sa poésie et sa musique comme seuls armes, il ne s’encombre jamais de bons procédés pour rappeler sa naïveté à la Kabylie pacifiée. Etant désarmé et refusant de s’engager dans des luttes fratricides, il essaye avec ses diatribes poétiques de vivifier la conscience d’une cause en déperdition, la cause amazigh. Après « Ataqvaylit yecreq yitij yuli was » il s’excuse de rectifier le tir par « Taqvaylit macci yiwet kul yiwen ttaqvaylit is ». Durant les années de braises qui a vu tant d’hommes mourir dans une guerre fratricide sans pitié ou tout le monde accuse tout le monde, lounis a averti les uns et les autres. Dans « A yinigi gidh » il prédit la catastrophe pour ceux qui voulaient être les justiciers d’une cause qui leur échappe. « tes3a utes3in dahlalas tus miya atteglu yisek ».
Aujourd’hui, après tant d’années renversantes où érudits, savants, saints et exégètes ont été tous suppliés et interpelés, Lounis semble déçu par l’absence d’un retour d’écoute. Il semble chagriné et blasé par les incertitudes qui perdurent, annonçant par là, des horizons toujours plus imprévisibles et plus sombres. Alors, dans un sursaut désespéré, il se tourne vers le fou à qui il se fie pour se regarder lui-même. Il s’adresse à lui comme son alter ego. Il lui demande dans son dernier album, qui se veut une remise en cause d’un parcours, des conseils qu’il n’a pu trouver dans le monde des gens sensés. Avec lui, il engage un discours franc et éclairé pour tenter vainement de comprendre les méandres d’un monde en folie. Et le fou lui tend une toile dans laquelle il lui peint notre aquarelle de tares et d’insuffisances. Une toile où il nous peint des croquis insolites qu’il suffit juste de décortiquer pour pouvoir enfin trouver le sésame qui ouvre les portes d’un univers meilleurs. Tout ça pour nous dire que les réponses à nos questions sont tout prés de nous et pour les trouver, nul besoin d’aller chercher plus loin. A travers le fou, Lounis croit trouver la force de s’adresser à ses amoureux comme à ses détracteurs pour leur dire le fond de lui-même. Il répond à toutes les questions qui sont restées irrésolues dans l’esprit de ces derniers. Il leur offre une espèce d’autobiographie testamentaire dans laquelle il énumère les principes qui ont guidé son parcours. Le fou nous assène certaines vérités à la figure pour mieux nous secouer. Il nous parle du respect du temps et nous conjure de ne pas oublier sa valeur. Il nous prie de ne pas s’attarder sur les actes passés et ne se focaliser que sur ce qui est beau et bien dans ce bas monde dans lequel nous évoluons. Il se moque de ceux qui sont hanté sur la longévité sans se soucier de vivre pleinement l’instantané. A quoi sert de vivre longtemps si l’on s’astreint à une morosité mortifère. Le fou nous conseille d’oublier la mort et ne se consacrer qu’à l’éphémère vie. Laissez la mort aux morts et vivez comme si la vie est éternelle. Laissez les supplices du jugement dernier aux crédules croyants. « jet lmut i wid yemuten ».
Dans cette dernière compilation qu’il nomme « Tawriqt Tacebhant » ou feuille blanche, il en veut aux muses qui l’ont déserté. Ait Menguelet nous offre une espèce de rétrospective de tout ce qu’il a produit jusque-là et prédit instinctivement une perspective sombre et stérile. Il en veut au stylo, à la feuille et aux fils de sa guitare qui refusent de réveiller, comme de coutume, son inspiration plongée dans une torpeur sans fin( !) Se complaire dans le silence, pour lui qui a toujours été prolixe et foisonnant de création, est devenu dur à porter. Dans sa quête de faire aboutir ses sensations intimes, dans cette conjoncture embrouillée par des incertitudes, il a choisi de se mettre dans la peau du fou, lui qui est un sage qui implore souvent les sages et les éclairés, pour mieux nous acculer et nous harceler à l’éveil de notre conscience libertaire. Il espère pouvoir continuer à être utile. Dans cette dernière (re)naissance, il y a plus de questions mais surtout, beaucoup de réponses aux interrogations, pour ceux qui veulent bien fouiner entre les strophes de sa poésie métaphorique et complexe. Pour ceux qui cherchent la clé avant de trouver la porte, pour ceux qui se voient gambader au printemps alors qu’ils pataugent dans la boue de l’hiver froid et glacial, il prescrit la règle de conduite qui mène aux objectifs. Lounes cache beaucoup et délibérément entre les lignes et les interlignes de ses textes ou plutôt de ses parataxes. Dans l’ombre de son œuvre, beaucoup est à savoir et à découvrir. Chacune de ses chansons est un livre où le mystique, le métaphysique et le philosophique se tordent, s’entremêlent, pour tresser des nœuds que seuls les tisserands du verbe peuvent démêler. Le sens de ses textes est à chercher dans le fond effacé d’un vieux palimpseste. Le poète est fatalement invité à choisir entre l’envie de continuer et le tarissement de la verve créatrice qui l’a toujours caractérisé. Le dernier chapitre de sa vie n’est toujours pas entamé. Le point de clôture de son œuvre est remplacé par des points de suspension. Il décide de repousser le terme et indéniablement, l’homme au verbe tranché a choisi le chemin qu’il a toujours emprunté : celui de continuer à chanter, c’est la seule chose qu’il sait vraiment faire. Un grand effort pour ses admirateurs est consenti. Pour terminer nous disons à l’artiste et à l’homme : ur ghettaja ur ghett harim d i sut ik…
Benamghar Rabah
Lounis Aït Menguellet
Portrait de Lounis Aït Menguellet en 2003
Nom de naissance | Abdenbi Aït Menguellet |
---|---|
Naissance | 17 janvier 1950 Ighil Bouammas, |
Activité principale | Chanteur, poète |
Genre musical | World music |
Instruments | Voix, guitare |
Années actives | 1967 - (toujours en activité) |
Site officiel | www.aitmenguellet.net/ |
Lounis Aït Menguellet (Lewnis At Mangellat suivant la graphie kabyle), de son vrai nomAbdenbi Aït Menguellet, est un poète et chanteur kabyle
Algérien d'expression berbère, né le 17 janvier 1950 à Ighil Bouammas, village niché dans les chaînes montagneuses du Djurdjura dans la commune de Iboudraren daira de Ath Yenni wilaya de Tizi-Ouzou dans la région de Haute Kabylie au nord de l'Algérie.
Lounis Aït Menguellet est certainement l'un des artistes les plus populaires de la chanson berbère contemporaine, un poète qui est devenu l'un des symboles de la revendication identitaire berbère. À propos des évènements qui ont secoué la région de Kabylie ces dernières années, il dit que, égale à elle-même, la région est un bastion de la contestation et qu’elle a toujours été à l’avant-garde des luttes. « Je parle de la kabylie à ma façon, afin d’apporter quelque chose pour que les choses évoluent », avant de s’empresser d'ajouter qu'il ne fait jamais de politique.
Nombreux sont ceux qui considèrent que la carrière de Lounis Aït Menguellet peut être scindée en deux parties selon les thèmes traités : la première, plus sentimentale de ses débuts, où les chansons sont plus courtes et la seconde, plus politique et philosophique, caractérisée par des chansons plus longues et qui demandent une interprétation et une lecture plus approfondie des textes. Ay agu (Brume), Iḍul s anga a nruḥ (Le chemin est long), Nekwni s warrac n Ledzayer (Nous, les enfants d’Algérie) : Aït Menguellet choisit délibérément dans ses concerts récents de chanter ces poèmes, plus longs et plus composés, comme une invitation lancée à son public à une réflexion et à une découverte.
En présentant son nouvel album à la presse, le 16 janvier 2005, à la veille de sa sortie le jour de son cinquante-cinquième anniversaire, à la Maison de la Culture de Tizi Ouzou, Lounis a fait remarquer que « l’artiste ne fait qu’attirer l’attention des gens sur leur vécu et interpeller leur conscience. C’est déjà une mission et je ne me crois pas capable d’apporter les solutions aux problèmes ». Aigri par la situation sociale et politique de son pays déchiré, Lounis puise de moins en moins dans son répertoire de chansons sentimentales qui ont caractérisé ses débuts.
Sommaire
Biographie
Une enfance marquée par la guerre d'indépendance
Dernier né d’une famille de six enfants - il a trois sœurs et deux frères -, Lounis Aït Menguellet naît dans le village Ighil Boamas, Iboudraren, près de Tizi Ouzou en Haute Kabylie le 17 janvier1950, un peu plus de quatre ans avant le déclenchement d'une guerre d'indépendance qui apportera, après sept années d'une guerre sans merci, l'indépendance à son pays.
Le sage a dit
Après près de quarante ans de carrière, plus de 200 chansons produites (il affirme être incapable lui-même d'en donner le nombre exact) et une notoriété bien établie, Lounis Aït Menguellet est toujours resté « ce campagnard fier », « ce montagnard au fort caractère », essayant de couler des jours paisibles dans son village d'Ighil Bouammas près de Tizi Ouzou. « La vie au village n’est pas aussi ennuyeuse qu’on le pense. Le village où l’on est né présente des attraits que d’autres personnes ne peuvent pas voir. Le fait de me réveiller le matin et de voir la même montagne depuis que je suis né m’apporte toujours quelque chose. »
Victime d'un lynchage médiatique en 2001, lié à la situation difficile que connait l'Algérie depuis le début des années 1990, il écrit deux ans plus tard Neğayawen amkan (Nous vous cédons la place), qui est censée être une chanson-réponse à cet évènement dont il refuse de parler.
En 2005, il sort un nouvel album Yennad Umɣar (Le sage a dit), et fait remarquer que la sagesse qu’il chante dans ses chansons est puisé chez les petites gens qu’il côtoie. Le titre le plus long de l'album - il dure 8' 22" - Assendu n waman (Les brasseurs de vent) dénonce à la fois les manipulateurs d’opinion qui ont un rang officiel, mais également, toutes les voix officieuses, partisanes, généralement adeptes de la politique politicienne. Lounis constate que les brasseurs de vent « viennent, promettent. Et reviennent, oublient. Et disent, c’est ainsi que se font les choses ». Nul acteur politique n’est épargné, et c’est justement ce que certains reprochent à Aït Menguellet : son manque d’engagement. Il rétorque qu’il n’est pas chanteur engagé par vocation. Lui, il est humaniste, rebelle, observateur et porte-voix des petites gens, des humbles, de toutes ces voix écrasées par toutes sortes d’hégémonies, que l'on ne laisse jamais s'exprimer.
Un poète à la voix envoûtante
Ni philosophe, ni penseur, tout juste poète (« on me le dit si souvent que je commence à y croire »), Lewnis s'interdit, dans ses chansons, de donner des leçons. « Je ne fais que de l’observation. Elle peut être juste ou fausse. Mes mots ne sont pas des vérités générales. Mais, quand je les dis, ça me fait du bien ». Avec des mots simples, il raconte la vie des gens simples qu'il côtoie, et sait transmettre une émotion qui touche un public de plus en plus nombreux, qui se presse à ses concerts. Et, avec modestie, il ajoute : « Je suis un homme ordinaire, plus ordinaire que les ordinaires ».
La voix envoûtante et profonde de Lewnis AT MANGUELLET porte un chant qui vient du fond des âges ; c'est celle des troubadours du Moyen Âge, celle des musiciens traditionnels de tous les peuples qui ont su préserver leur âme. Par sa seule magie, cette voix chaude transporte ceux qui l'écoutent au cœur de la Kabylie. Troubadour, chanteur-compositeur, Aït Menguellet perpétue cette tradition orale des montagnes kabyles qu'a si bien mise en évidence avant lui le grand poète Si Mohand, décédé en 1906, et qu'a chantée Taos Amrouche, sœur du poèteJean Amrouche, décédée en exil, en Tunisie.
Le chantre de la chanson kabyle
Lewnis AT MANGUELLET part sans cesse à la source pour puiser « une prose littéraire orale, cette prose amazigh traditionnelle dans ses différentes formes d’expression autour desquelles a évolué la mémoire collective de la société », fait remarquer Mohammed Djellaoui, auteur d'un essai sur la poésie d'Aït Menguellet, et il ajoute que le poète « met la légende et la vertu au service d’une cause ».
Cette cause, c'est celle de la culture berbère. Longtemps marginalisée, réduite à un genre mineur, la chanson kabyle, grâce à Lewnis AT MANGUELLET, a renoué avec le fonds traditionnel berbère qu'a chanté avant lui Slimane Azem, interdit d'antenne dans son pays durant plus de vingt-cinq ans. L'auteur de « Asefru » a su créer des formes et des structures propres à sa poésie en jouant sur l’ambiguïté de sens des mots qu'il utilise, permettant une interprétation pluridimensionnelle de la part de ses auditeurs.
En avril 1980, lorsque le wali de Tizi Ouzou décida d'interdire une conférence de l'anthropologue Mouloud Mammeri sur « La poésie ancienne des Kabyles », la population de la ville, puis des régions avoisinantes, sans parler d'Alger, où les Kabyles sont majoritaires, se souleva, à l'appel des étudiants, pour défendre, à travers les poètes anciens, la langue des ancêtres. L'un de ses défenseurs les plus ardents fut Aït Menguellet :
- « Reconnais ce qui est tien
- Prends garde de ne jamais l'oublier!...
- Langue kabyle
- Celui qui t'aime
- Te sacrifie sa vie
- Il te vénère
- Et pour toi garde la tête haute
- C'est grâce à tes enfants
- Que l'Algérie est debout. »
« Pourquoi cette véhémence ? » se demande l'écrivain Kateb Yacine dans la préface qu'il écrivit en 1989 pour le livre de Tassadit Yacine « Aït Menguellet chante », et il répond : « C'est que tamazight, notre langue nationale, depuis des millénaires, est à peine tolérée, pour ne pas dire proscrite, dans l'Algérie indépendante ! ».
La puissance des chansons de Lounis réside dans la qualité de ses textes, la force du verbe : « La paix demande la parole : je suis contrainte de t'abandonner, pays pour qui j'ai l'âme en peine / Ils m'aiment en me comparant à une perdrix / Belle quand je leur sers de festin… », dit l'un de ses textes. Ou cet autre, qui clame : « Nous avons chanté les étoiles, elles sont hors de notre portée / Nous avons chanté la liberté, elle s'avère aussi loin que les étoiles ».
Conscient du rôle essentiel joué par la chanson pout le maintien et la sauvegarde de la langue kabyle, Lewnis AT MANGUELLET effectue, au travers de ses chansons - dans lesquelles le texte et la langue tiennent une place primordiale - un véritable travail de mémoire pour sa langue maternelle. La défense de sa langue est l'une de ses raisons de vivre : « La chanson a toujours porté à bout de bras l’âme kabyle, l’essence algérienne. Il y a plein de Kabyles qui ont appris leur langue grâce à la chanson ». Les mots du kabyle lui parlent et il continue à en découvrir : « La langue, c’est la mère, la terre ».
Chanteur à textes, Lewnis AT MANGUELLET n’en a pas moins introduit une recherche musicale plus élaborée dans ses chansons depuis que son fils Djaâffar, musicien lui-même, fait partie de son orchestre, qui ne dépasse pas quatre membres (deux percussionnistes, un guitariste et son fils qui joue au synthétiseur et à la flûte).
À propos de la chanson kabyle, Lewnis AT MANGUELLET considère qu'elle se porte plutôt bien, dans la mesure où il y a toujours de jeunes artistes qui émergent. « Il y a d’un côté, la chanson rythmée que demandent les jeunes, mais il y a aussi le texte qui reste une chose fondamentale dans la chanson kabyle», souligne le poète pour qui la chanson engagée est avant tout une liberté d’expression.
Hommage de Kateb Yacine
Dans un texte à propos de la défense de la langue kabyle, le grand écrivain algérien Kateb Yacine, décédé en 1989, rend hommage à Lounis Aït Menguellet :
« (…) Et comme l'ignorance engendre le mépris, beaucoup d'Algériens qui se croient Arabes - comme certains s'étaient crus Français - renient leurs origines au point que le plus grand poète leur devient étranger :
- J'ai rêvé que j'étais dans mon pays
- Au réveil, je me trouvais en exil
- Nous, les enfants de l'Algérie
- Aucun coup ne nous est épargné
- Nos terres sont devenues prisons
- On ferme sur nous les portes
- Quand nous appelons
- Ils disent, s'ils répondent,
- Puisque nous sommes là, taisez-vous !
Incontestablement, Lewnis AT MANGUELLET est aujourd'hui notre plus grand poète. Lorsqu'il chante, que ce soit en Algérie ou dans l'émigration, c'est lui qui rassemble le plus large public ; des foules frémissantes, des foules qui font peur aux forces de répression, ce qui lui a valu les provocations policières, les brimades, la prison. Il va droit au cœur, il touche, il bouleverse, il fustige les indifférents :
- Dors, dors, on a le temps, tu n'as pas la parole.
Quand un peuple se lève pour défendre sa langue, on peut vraiment parler de révolution culturelle »
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- Kateb Yacine (Extrait de « Les ancêtres redoublent de férocité »).
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Discographie
La discographie de Lounis Ait Menguellet comporte à peu près 222 chansons
- 1967-1974 : Période des 45 Tours, environ 70 titres.
- ( 1975 ) : Telt yam - Taghzalt 33 tours voix du globe edition brahim ounasser
- 1978 : Live à l'Olympia
Bibliographie
- Tassadit Yacine, Aït Menguellet chante, Préface de Kateb Yacine, Paris, la Découverte, 1989.
- Mohammed Djellaoui, L’image poétique dans l’œuvre de Lounis Aït Menguellet - Du patrimoine à l’innovation (Essai) - Éditions Les Pages Bleues, Alger, 2005.
- Chabane Ouahioune, Randonnée avec Aït Menguellet, Alger, éd. Inayas, 1992.
- Moh Cherbi & Arezki Khouas "Chanson kabyle et Identité berbère" 1998
- Belkacem Sadouni "Traduction des textes en arabe" 2009
- Farida Aït Ferroukh "Situation d'impasse et agents de la culture", Algérie, ses langues, ses lettres, ses histoires. Balises pour une histoire littéraire (A. Bererhi, B. Chikhi éds). Blida, Mauguin : 2002.
- Ali Chibani, Tahar Djaout et Lounis Aït Menguellet. Temps clos et ruptures spatiales, Paris, L'Harmattan, 2012. [1]
Abranis

Le groupe a été créé en 1967 par Sid Mohand Tahar dit Karim Abranis, chanteur bassiste. C'est en 1973 qu'il concrétisa avec ses amis Samir Chabane batteur, Madi Mahdi guitariste et Shamy el Baz organiste.
Sommaire
- 1 Première époque : les années psychédéliques
- 2 Seconde époque : les années Jazz-Rock
- 2.1 Album Abranis 77 (1977)
- 2.1.1 Tacklisting de l'album Abranis 77
- 2.2 Album Imité Tayri (1978)
- 2.2.1 Credits de l'album "Imité Tayri"
- 2.2.2 Tracklisting de l'album "Imité Tayri"
- 2.3 Album "Amqsa d yizem" (1980)
- 2.4 Album "Id Was" (1983)
- 2.1 Album Abranis 77 (1977)
- 3 Troisième époque
- 4 Biographie officielle 2010
- 4.1 Historiques de la formation
- 4.1.1 2008 (formation)
- 4.1.2 2007
- 4.1.3 De 1973 à 2011
- 4.1 Historiques de la formation
- 5 Bibliographie
Première époque : les années psychédéliques
1967, deux ans avant Woodstock, sid Mohand Tahar (Karim Branis) et Shamy El Baz Chemini se rencontrent au cours d'une partie de flipper dans un des quartiers populaire de Paris. Deux jeunes adultes grandissent avec les images d'Elvis Presley au cinéma et la lecture de magazines comme Salut les copains. Élevés aux mamelles de groupes comme les Doors, les Who et Grateful Dead, ils veulent devenir rocker.
C'est dans l'avion en direction d'Alger, en 1973, pour participer à un festival que les membres du groupes choisissent le nom de Branis en référence à la tribu berbère des Branis citée par l'historien Charles-André Julien. C'était un défit à l'orientalisme qui frappait la société algérienne sous l'influence du pan arabisme égyptien de Nasser. Oum Keltoum était présentée comme la référence musicale incontestée et même les artistes kabyles sombraient dans l'orientalisme. La musique des Abranis était un défit à l'idéologie dominante. À une époque où il n'était pas de bon ton de prononcer le moindre mot en berbère, les Abranis affichaient une berberité décomplexée, naturelle sans être ostentatoire. Cependant sur place, le nom ne sonnant pas assez algérien aux yeux du régime, les membres du groupe ajoutèrent un A avant Branis, ce qui donne le nom d'Abranis. Et c'est sous ce nom qu'ils remportèrent le prix du Festival à la surprise générale.
Dans la foulée, ils enregistrent leur premier 45T, avec le label Oasis, dans lequel figure les titres Athejeladde en face A et Itri lfjer en face B. Ce premier 45T sortira en 1974 sous le nom de El Abranis. Selon le leader du groupe, il s'agit d'une décision unilatérale d'Oasis.
L'année 1975 fut d'une grande richesse, avec l'enregistrement de 3 nouveaux 45T et d'un album sur cassette. Deux 45T chez le label La voix du Globe, avec le titre culte Thalite en Face B, et la toute première version de leur célèbre tube Linda. Un autre 45T sort, chez le label Cléopatre, ainsi que leur premier album.
Ils enregistrent aussi 2 scopitones, l'ancêtre du video clip, avec les Clodettes.
Seconde époque : les années Jazz-Rock
En 1975, après la tournée en Algérie, le groupe se scinde en deux.
Samir Chabane (le batteur) et Madi Mahdi (le guitariste) fondent alors un autre groupe du nomSyphax. Ils sont rejoints par le dernier membre du groupe Maklouf, et un chanteur du nom de Samy.
Des Abranis d'origine, ne restent que Karim, qui devient guitariste et Shamy l'organiste. D'autres musiciens vont les rejoindre.
Album Abranis 77 (1977)
En 1977, parution d'un 45T et d'un album vinyle 33T, Abranis 77, chez Bordj El Fen, un label algérien. Musicalement, le groupe prend le contrepied de la déferlante disco de la seconde moitié des années 1970. Le style a beaucoup changé, rythme plus lent, textes plus profond, et tentative de fusionner rock et chaabi. L'un de leur plus grand succès le très rock "Cnaɣ lblues" triomphe sur les ondes. Et le groupe découvre la censure sur le morceau Yemma sur la face B du 45T. L'album est enregistre en France, au studio Citeaux. Lors de l'enregistrement de l'album, Karim enregistre lui même plusieurs instruments : Chant, guitare solo, rythmique, basse et batterie. La participation de nombreux musiciens vont contribuer à la coloration chaabi de l'album, comme Mohamed Salahedine à la Sitare, Arif Kendouci, Noumil Mouloud & Rami Mustapha aux violons, Emile Mayons au heaubois, Makhelouf à la basse, Smail Slimani au Houd et Hocine Staifi au derbuka.
Tacklisting de l'album Abranis 77
Face A : A YEMA / RAS JARREHAR / DDELVARE / ESMAH
Face B : CHENAR LBLUES / ESTASRRIH NEVRA ANSARRAH / ELIR DDEL VEZE ERRTHAHAR / AYAHVIVE THEGHZEMDD OULIW / IADA FELAKHE ZMAN
Album Imité Tayri (1978)
En 1978, sortie du 3e album Imité Tayri, toujours chez Borj El Fen. Cet album est à l'opposé du précédent "Abranis 77", sorti tout juste une année auparavant, laissant un impression partagée entre des morceaux légendaires comme le très bluesy "Cnaɣ lblues" et les titres aux sonorités chaabi.
Pour cet album, le groupe s'est entouré de musiciens de la scène jazz, avec entre autres, le bassiste Yannick Top du célèbre groupe Magma. Le pianiste Marc Goldfeder. Le bassiste de Jazz Tony Bonfils. L'album "Imité Tayri" est un sublime album aux sonorités Jazz-Rock dans lequel alterne les très festifs "Eɣedder Amerrzu", "Tameɣra", "Amjahe", "Tassusmi" et des morceaux au tempo plus lents avec "Aqessam", "Ayen ɣizin", "Lqum agi" (le désenchantement de cette génération) ...
Credits de l'album "Imité Tayri"
Studio : Davout. Production Bordj Elphene 1978 Chant, guitare solo, percussion : Karim Abdenour Batterie : André Sitbon Guitare basse : Tony Bonfils, Yannick TOP Piano : Marc Goldfeder Cordes : Quatuor de l'Opéra de Paris, Clavier, guitare acoustique : Shamy Lvaz Saxo & flute : Alain Hotot Trombone : Alex Perdigon Trompette : Caco Bessop Prise de son : Christian Arrangements & mixage : Jean- Michel Hervé ,
Tracklisting de l'album "Imité Tayri"
Album "Amqsa d yizem" (1980)
En 1980, Arezki Baroudi, le batteur, et Hachemi Bellali, le bassiste, rejoignent le groupe Abranis. Sortie du 4e album, "Amqsa d yizem" chez "Numidie Music".
Album "Id Was" (1983)
lus tard en 1983, le français Yannick Guillo guitariste rejoint le groupe. Parmi les principaux tubes des Abranis : Linda, Wali Kan, Tizizwa ou encore Avehri.
Alors que le groupe ne s'était pas produit depuis 1983, les Abranis, précurseur du genre rock-pop en Algérie, font un retour triomphal en 2007 le 29 mars dans l'émission Ighw zif a yid(« Retiens la nuit ») avant de lancer en juin 2008 une nouvelle grande tournée dans le pays qui fut un vrai triomphe.
Biographie officielle 2010
Historiques de la formation
- 2011 formation actuel: karim (chant)youva(guitare)samir(clavier)Idir (guitare)redouane(basse)Nabil(percu)yassine(batterie)#
2008 (formation)
- Karim Abranis (Chant + Guitare électrique) (studios, concerts)# Belaid Branis (Guitare acoustique + Chant) (concerts)# Yuva Sid (guitare solo + Chœurs) (concerts)# Redouan Nehar (Basse) (concerts)# Behik, Abdelhak Ziani (Batterie) (concerts)# Nabil Laâzri (Percussions) (concerts)# Samir Sebbane (claviers) (concerts)# Tinhinan Mohammedi (Chorale) (concerts)# Saida (Chorale) (concert)
2007
- Karim Abranis (Chant + Guitare électrique) (studios, concerts)# Behik, Abdelhak Ziani (percussions)(concerts)# Arezki Baroudi (Batterie)(studios, concerts)# Maurice Zemmour (bassiste)(concerts) Belaid Branis (Guitare acoustique + Chant)(concerts)# Rabah Tissilia (claviers(concerts) # Yannick Guillo (guitariste)(studios, concerts).
De 1973 à 2011
- Missoum (claviers) concerts 2005# Zinou (bassiste) concerts 2004-2006# Otto (bassiste) concerts 81-82# Ester Wilson (percu.) concerts 80-81
- Dédé Ceccarelli (batteur) studios 83-87# Tony Bonfils (bassiste) studios 83-87# Jean Claude Chavanat (guitariste) studios 83# Rabah Khalfa (percu.) concerts, studios 80—87# André Sitbon (batteur) studios 78# Hachemi Bellali (bassiste) concerts, studios 80—87# Yurgen Routh (sax.) concerts, studios 85-86# Shamy El baz (claviers) concerts, studios 73—93# Coco Bessop (cuivre) studios 78# Daniel Pedron (batteur) studio 79# Makhlouf (bassiste) concerts, studios 74-75# Yannick Top (bassiste) studios 78# Basker Saint Jean (batteur) concerts 84# Mouloud Fouhane (batteur) concerts, studios 84-86-2005# Marc Goldfeder (piano) studios 78# Papou (percussion) studios 93# Jean Michel Hervé (sax.) studios 78# M’hana tigrini (guitariste) concerts 79# Daniel hervé (cornemuse) studios 80# Bruno Rebriera (flute) studios 80# Didine (claviers) studios 93-94# Alex Perdegon (cuivre) studios 78# Jean Claude Meisielman (piano) 80# Omar meguenni (guitariste) studios 80# Alain Hatot (cuivre) studios 78# Yazid Bourri (bassiste) concerts 86-87#Yassine Heddad (batteur,scène)#Idir Mouhia (guitare,scène)2010-2011
site officiel :http://www.abranis.com/
TAKFARINAS
Takfarinas, de son vrai nom "Ahcène Zermani", né en 1958 à Tixeraine , un village dans la banlieue d'Alger (à l'époque intégré à l'Algérie française) , est un chanteur, auteur-compositeur-interprète et musicien algérien de musique kabyle.
Takfarinas est issu de la quatrième génération d'une famille de musiciens. Dès son plus jeune âge, Il s'intéressait déjà aux artistes de Chaâbi comme "M'Hamed El Anka", "Cheikh El Hasnaoui, "Slimane Azem"… Soutenu par son frère aîné, il apprend la musique en improvisant sur une guitare de fortune avant d’avoir une vraie, offerte par son père.
En 1976, Takfarinas enregistre sa première bande à Alger. Trois ans plus tard, en 1979, direction Paris pour tout reprendre en studio, se faire une carte de visite présentable. L'album s'appelle " Ibwa Romane ".
L'instrument préférée de Takfarinas est le mandole qu’il a, d’ailleurs, innové en ajoutant un deuxième manche. Il réserve le premier manche pour les sonorités graves et le deuxième pour les sonorités aigues.
Ses textes rendent hommage à la culture kabyle, mais s’en échappent quelquefois pour aller vers des appels engagés qui constituent sa signature. Le style nouveau dans lequel il s'est investi s’appelle le « Yal ».
Takfarinas contribue à populariser la musique kabyle méconnue du grand public en Europe.
Takfarinas est un artiste ouvert sur la vie et les autres cultures, car dans plusieurs de ses chansons, il y introduits du berbère marocain, du français, du rap… dans son album El Waldin, il reprend, même, la magnifique chanson de Jaques Brel "Ne me quitte pas" qu’il interprète somptueusement. Son style hérité de la musique traditionnelle kabyle ne l’a pas empêché d’enrichir sa musique de sonorités venues des quatre coins du monde.
Discographie de Takfarinas : liste non exhaustive
Ibwa Romane : (1979)
Leswar Ezine : Duo avec Samaouni Boudjemaâ - groupe Agraw (1982)
Chef au Parti " Duo avec Samaouni Boudjemaâ - groupe Agraw (1983)
Assas n zehriw (1983)
Admenten : (1984)
Arrach : volume 01 (1986)
Ouay Thelha : volume 02 (1986)
Inid Ih : volume 01 (1989)
Irgazen : volume 02 (1989)
Live à l'Olymia - France : (1990)
Live à Tizi Ouzou - Stade Oukil Ramdane (1990)
Romane : (1994)
Salamat : (1995)
Yal : (1999)
Zaama zaama : (1999)
Quartier Tixeraine : (2002)
Honneur aux dames : volume 01 (2005)
Honneur aux dames : volume 02 (2005)
Lwaldine : (2011)
Takfarinas est issu de la quatrième génération d'une famille de musiciens. Dès son plus jeune âge, Il s'intéressait déjà aux artistes de Chaâbi comme "M'Hamed El Anka", "Cheikh El Hasnaoui, "Slimane Azem"… Soutenu par son frère aîné, il apprend la musique en improvisant sur une guitare de fortune avant d’avoir une vraie, offerte par son père.
En 1976, Takfarinas enregistre sa première bande à Alger. Trois ans plus tard, en 1979, direction Paris pour tout reprendre en studio, se faire une carte de visite présentable. L'album s'appelle " Ibwa Romane ".
L'instrument préférée de Takfarinas est le mandole qu’il a, d’ailleurs, innové en ajoutant un deuxième manche. Il réserve le premier manche pour les sonorités graves et le deuxième pour les sonorités aigues.
Ses textes rendent hommage à la culture kabyle, mais s’en échappent quelquefois pour aller vers des appels engagés qui constituent sa signature. Le style nouveau dans lequel il s'est investi s’appelle le « Yal ».
Takfarinas contribue à populariser la musique kabyle méconnue du grand public en Europe.
Takfarinas est un artiste ouvert sur la vie et les autres cultures, car dans plusieurs de ses chansons, il y introduits du berbère marocain, du français, du rap… dans son album El Waldin, il reprend, même, la magnifique chanson de Jaques Brel "Ne me quitte pas" qu’il interprète somptueusement. Son style hérité de la musique traditionnelle kabyle ne l’a pas empêché d’enrichir sa musique de sonorités venues des quatre coins du monde.
Discographie de Takfarinas : liste non exhaustive
Ibwa Romane : (1979)
Leswar Ezine : Duo avec Samaouni Boudjemaâ - groupe Agraw (1982)
Chef au Parti " Duo avec Samaouni Boudjemaâ - groupe Agraw (1983)
Assas n zehriw (1983)
Admenten : (1984)
Arrach : volume 01 (1986)
Ouay Thelha : volume 02 (1986)
Inid Ih : volume 01 (1989)
Irgazen : volume 02 (1989)
Live à l'Olymia - France : (1990)
Live à Tizi Ouzou - Stade Oukil Ramdane (1990)
Romane : (1994)
Salamat : (1995)
Yal : (1999)
Zaama zaama : (1999)
Quartier Tixeraine : (2002)
Honneur aux dames : volume 01 (2005)
Honneur aux dames : volume 02 (2005)
Lwaldine : (2011)
MATOUB LOUNES
Lounès Matoub ou Matoub Lounès, est un chanteur, interprète et poète kabyle, engagé depuis ses débuts dans la revendication identitaire berbère.
Il est né à Taourirt Moussa Ouamar, Beni Douala, le 24 janvier 1956, en Kabylie, Algérie. Il meurt le 25 juin 1998, assassiné sur la route d’At Douala. Officiellement, cet assassinat est attribué au GIA, mais sa famille et quelques hypothèses accusent le pouvoir algérien d’être derrière son assassinat.
Matoub Lounès acquiert un statut de martyr pour tous les militants de la cause berbère.
Depuis la sortie de son premier album A Yizem anda tellid ? (Ô lion où es-tu ?) Matoub Lounes célèbre les combattants de l’indépendance et fustige les dirigeants de l’Algérie à qui il reproche d’avoir usurpé le pouvoir et de brider la liberté d’expression. Chef de file du combat pour la reconnaissance de la langue berbère, Matoub Lounes est grièvement blessé par un gendarme en octobre 1988. Il raconte sa longue convalescence dans l’album L’Ironie du sort (1989).
Violemment opposé au terrorisme islamiste, Matoub Lounes condamne l’assassinat d’intellectuels, mais il fut enlevé le 25 septembre 1994 par un groupe armé, puis libéré au terme d’une forte mobilisation de l’opinion kabyle. La même année, il publie un ouvrage autobiographique Le Rebelle et reçoit le Prix de la mémoire des mains de Danielle Mitterrand.
En 1996, Matoub Lounes participe à la marche des rameaux en Italie pour l’abolition de la peine de mort alors qu’en en mars 1995, le S.C.I.J.(Canada) lui remet Le Prix de la Liberté d’expression.
Le 25 juin 1998, Matoub Lounes est assassiné sur la route menant de Tizi Ouzou à Ath Douala en Kabylie à quelques kilomètres de son village natal. Les conditions de ce meurtre n’ont jamais été élucidées. Les funérailles du chanteur drainèrent des centaines de milliers de personnes, tandis que toute la région connut plusieurs semaines d’émeutes. Son dernier album Lettre ouverte aux…, parut quelques semaines après l’assassinat, contient une parodie de l’hymne national algérien dans laquelle il dénonce le pouvoir en place.
Une fondation portant le nom du chanteur Matoub Lounes a été créée par ses proches pour perpétuer sa mémoire, faire la lumière sur l’assassinat et promouvoir les valeurs défendues par Matoub Lounes.
Deux rues portant le nom de Matoub Lounes ont été inaugurées en France à sa mémoire:
• Dans la commune de Saint-Martin-d’Hères près de Grenoble.
• À Vaulx-en-Velin près de Lyon le 22 novembre 2003.
Matoub Lounes est, parmi les artistes kabyles, le plus connu en Kabylie et dans le monde entier de par son engagement, en plus de sa discographie.
«Mais la paix renaîtra un jour et mes chants parmi vous célébreront à nouveau le printemps si cher à nos cœurs..». L’auteur de ses lignes s’appellait Lounès Matoub, star de la chanson kabyle et héros dans sa région natale, TAMAZGHA
Au milieu d’une conjoncture qui n’était pas comme toutes les autres, marquée par la guerre d’Algérie, et plus exactement le 24 janvier 1956 naquit Lounès Matoub au sein d’une famille humble et très modeste, dans la région d’Ait Douala dans les montagnes de Djurdjura, à une vingtaine de kilomètres de Tizi-Ouzou. La région de chanteur Matoub Lounes a connu beaucoup de mouvement et de répression et encore des cas d’enlèvement, en septembre 2002 Bouzegzi Samir et Boudarene Ahcene de village Taguemount Azouz ont été enlevés trois jours après leurs déclarations dans la presse où ils ont dénoncé le vote « nous sommes contre le vote , l’état algérien est responsable de tout ce qui ce passe en Kabylie »
A l’aube de son enfance, commença à pousser chez Lounès un germe d’indocilité, un germe qui en fera de lui un Rebelle. En revanche, au cours de cette période où l’on ne trouve guère place à l’innocence, il essaya de refouler toute idée d’oppression en risquant de mettre le feu à son village; c’est sa façon à lui, en tant qu’enfant de s’insurger, de s’extérioriser, de dire non à la domination.
Il survint le jour où il partit, en compagnie d’un groupe d’enfants, turbulents comme lui, dans une cabane pour fumer discrètement. En allumant, la cahute prit feu. Toute une histoire s’est orchestrée; déplacement sur les lieux des troupes françaises, une double-enquête ! De ces dernières et des maquisards…et finalement ce n’était qu’un petit enfant, innocent, révolté appelé Lounès Matoub. Il en était fier!
Sous l’ombre d’une situation difficile, marquée par l’émigration des Algériens en France – surtout les Kabyles – à la recherche d’un emploi pour assurer une certaine vie à sa famille, le petit Lounès était contraint de vivre loin de son père parti en exil. Il deviendra ainsi le « petit homme » du foyer, aux côtés de sa mère et grand-mère qui occupaient ensemble leur maison à Taourirt Moussa. Après la naissance de sa sœur Malika, en 1963, il garda toujours son statut de « l’homme de la maison », il demeurait, alors, gâté en dépit des carences multidimensionnelles dues à une misérable situation où sombrait l’Algérie colonisée. Pour se consoler de l’absence de son père, Lounès éprouvait un puissant attachement à sa mère qu’il considérait « merveilleuse ». En effet, c’était elle qui veillait sur les besoins de la maison en l’absence de son mari. En ces moments rudes, la mère de Lounès endossait toutes les charges ; se soumettait aux exigences de la vie quotidienne, chez elle ou ailleurs, et prenait en charge son enfant. Tout en s’absorbant dans le travail, qu’il soit à la maison (dans la cuisine surtout la préparation du couscous), aux champs… elle chantait – afin de se consoler – ce qui avait suscité chez son enfant une vigoureuse volonté de s’aventurer dans la chanson. Héritant le critère oral qui détermine la culture berbère, elle racontait à son fils, chaque soir, des contes kabyles desquels le futur chanteur acquiert un lexique d’une richesse « terrible ».
Consciente de ce que vaut l’instruction, la mère de Lounès insistait à ce que son fils fréquente l’école avant d’atteindre l’âge requis. Mais, Lounès voyait en celle-ci une cellule, une prison qui le prive de beaucoup de préoccupations puériles; il lui réservait moins d’importance.
Scolarisé en 1961 à l’école de son village, une des vieilles écoles de Kabylie construite à la fin du siècle dernier, Lounès était un enfant bavard et ce durant toute sa scolarité. Ce qui lui a valu d’être renvoyé de l’école à plusieurs reprises.
Cependant, il préférait courir derrière la « liberté », celle qu’il retrouvait quelque part ailleurs, loin de l’école, à la chasse « pratiquement kabyle » ; poser des pièges, tendre des lacs… Véhiculé par l’innocence et l’inconscience enfantine, il se souciait moins de ses devoirs scolaires qu’aux aventures puériles.
Tout en se référant au combat opposant l’armée française à l’ALN, les enfants tel que Lounès, qui estimait les maquisards, fabriquaient des « armes » afin de peindre ce combat et lui donner une image qui leur est propre.
Etant un petit enfant, Lounès n’était pas apte de garder en mémoire tous les événements qui se sont produits durant la guerre, néanmoins il se rappelait bien de quelques scènes qui ont marqué son enfance innocente et demeuraient, a posteriori, gravées dans sa mémoire. C’est le cas des ratissages dont faisait l’objet son village, les tableaux représentant la complicité des harkis …D’ailleurs, on craignait moins les Français que ceux-là.
Lounès se rappelait également, très bien, du jour où les Kabyles qui vivaient à Alger débarquèrent chez eux fuyant l’OAS. Il s’en souvenait, très bien, puisque leurs enfants ramenèrent leurs jouets de qualité. Jalousie d’un enfant ! Quoi qu’il soit indifférent à l’école, Lounès garde en mémoire de sa scolarité, l’image des pères blancs qu’il appréciait autant qu’il respecte leur enseignement. Pour lui, ces « religieux » représentaient une lueur lui éclairant – et pour tous les enfants de sa génération – une vision sur un monde moderne qui tient ses racines de l’ancien, plutôt des ancêtres. D’ailleurs, d’après lui toujours, ils leur enseignaient même des cours d’histoire, de « notre civilisation » ; celle de Jugurtha, ils apprenaient, en outre, aux filles à coudre, à tisser, presque toutes les activités manuelles… Plus loin encore, ils s’impliquaient dans le mouvement de la guerre aux côtés des Algériens. Par conséquent, ces instructions avaient contribué de façon à faire de Lounès un homme, auquel la question identitaire devient une priorité, une préoccupation fondamentale, objet de son anxiété même. Dans un sens large, il était reconnaissant à cette qualité d’enseignement qui incarnait l’ouverture d’esprit pour ainsi devenir un véritable militant de la démocratie.
Issu donc d’une école, peut-on le dire, française, il avait le privilège de maîtriser la langue de Voltaire qui suscitera son appétit à la lecture. Il lu, alors Mammeri, Camus, Amrouche,…et Feraoun. Mais la loi de Boumediene, en 1968, portant l’arabisation de l’école – Ahmed Taleb alors, ministre de l’éducation s’en est chargé – vint tel un coup d’épée. Lounès la considérait arbitraire, telle une provocation, et même une agression à toute une région de l’Algérie qu’est la Kabylie. En revanche, il éprouvait dès lors un rejet catégorique à la langue arabe et de même à l’école coranique de l’époque dite « Zawiya ». Lui qui était conscient du danger que concourait cette décision n’hésitera guère, plus tard, à crier haut et fort que le FIS, plutôt tous les intégristes soient un produit, pur et net, d’une école algérienne sinistrée.
De ce fait, après « l’indépendance » en 1962, la paix semblait s’installer, et la violence chercher un autre compartiment… Ainsi croyait-on … ! ? Mais, juste une année plus tard, la violence reconquiert la Kabylie. De cette façon, Lounès et sa génération assisteront au conflit qui opposera le régime de Ben Bella, président de « l’Algérie indépendante », aux officiers de la wilaya 3 à leur tête Hocine Ait Ahmed président du FFS (Front des Forces Socialistes). Le conflit a fait plus de 400 morts et des milliers de blessés. Krim Belkacem, un grand homme politique, signataire des accords d’Evian, s’est démarqué de ce conflit. Matoub considérait cet antagonisme comme première déchirure de la Kabylie, mais ce qui le traumatisera le plus est le fait que, 23 ans plus tard – c’est-à-dire -en 1985, ces deux personnalités (Ait Ahmed et Ben Bella), en conflit aigu, se rencontrent dans l’objectif de constituer une alliance contre le régime en place; il qualifia cette initiative d’absurde et aberrante ! En produisant un album pour exprimer son rejet à cette fallacieuse alliance, il a été traité par certains titres de la presse française, de fasciste.
Son destin est ainsi tracé. Qui aurait pensé, même pas lui d’ailleurs, qu’il allait devenir une vedette et l’homme de « la légende vivante ». Il a commencé à s’intéresser et à apprendre la musique comme beaucoup d’autres chanteurs montagnards de Kabylie. A l’âge de neuf ans, il fabrique lui-même sa première guitare artisanale à l’aide d’un vieux bidon d’huile. Il commence à gratter sur les fils en plastique en jouant l’air populaire le plus connu : « Ah a madame serbi latay ». (Ah madame sers moi du thé). Lounès n’a jamais appris la musique à l’école, d’ailleurs il disait : « Je n’ai jamais étudié ni la musique ni l’harmonie. Même lors des galas, je n’ai ni partition, ni pupitre, rien. J’ai toujours travailler à l’oreille et j’ai acquis cette oreille musicale en écoutant les anciens, en assistant aux veillés funèbres, là où les chants sont absolument superbes, de véritables chœurs liturgiques. Mais on n’y chante pas Dieu, on parle de misère sociale, de vie, de mort. Ce sont des chants de notre patrimoine, que de générations d’hommes et de femmes ont chantés. Là est ma seule culture musicale. A part cela, je reconnais être incapable de lire la moindre note de musique, au point qu’il m’est impossible de distinguer, sur une partition, mes propres compositions. Tout ce que je fais, je le fais à l’oreille. Je prend mon mandole et j’essaie. Je trouve les accords, puis je compose des airs qui deviennent mélodies. A force de faire et de refaire, je les enregistre dans ma mémoire et je les retiens. J’accorde mes instrument à la voix, je n’utilise pas de diapason. Je sais que cela risque de surprendre un certain nombre de musiciens, mais je n’ai jamais utilisé de diapason. Je ne sais pas ce qui est un « la » et j’ignore la différence entre une clé de « sol » et une clé de « fa ». Tout cela m’est étranger. Sur scène, je demande aux musiciens de se régler sur ma voix. C’est toujours ainsi que j’ai fonctionné, et toujours ainsi que j’ai enregistré mes disques. Plusieurs fois, je me suis dit qu’il serait temps d’apprendre la musique d’une manière rigoureuse. Puis j’ai estimé que cette « contrainte » risquait finalement de plus m’embarrasser que me faire progresser. Cela pouvait même me bloquer. J’y ai donc renoncé, et je m’en porte très bien. Et même si je n’ai aucune notion de musique, au sens académique du terme, je sais parfaitement quand quelqu’un joue ou chante faux, ou quand mon mandole est désaccordé. C’est, chez moi, une question d’instinct. Même en matière de musique, je suis anticonformiste, rebelle au carcans des règles et des lois. Et puisque cela fonctionne ainsi, pourquoi se poser des questions ? »
C’est en 1972, qu’un miracle se réalisa pour Lounès. Son père rentre au pays après 30 ans d’émigration en France. A son arrivée à la maison, il lui offre un mandole qu’il lui avait acheté à Paris chez Paul Beusher. C’était le plus beau cadeau qu’il n’avait jamais eu, car il venait de son père. Une année plus tard, au cours d’un jeu de poker il mit la mise sur son mandole qu’il perd dans la partie. Et l’année suivante, il se débrouille pour s’acheter une guitare puis commence à animer régulièrement des fêtes.
Durant l’année 1974, pendant qu’il était interne au lycée de Bordj-Menaïel, il a été renvoyé à plusieurs reprises par le surveillant général à cause de sa mauvaise conduite. C’est à cette époque qu’un grave incident lui arriva. Il blesse un jeune garçon à coup de rasoir suite à une bagarre qui s’est déclenchée dans un salon de coiffure. Interpellé par la gendarmerie, il devait être relâché le lendemain. Au tribunal, Lounès a osé demander au procureur une cigarette. Ce dernier abasourdi par un tel comportement décide de le mettre en tôle. Lounès purgea alors un mois en prison. A sa sortie de prison, il fait un stage de mécanique générale à Alger, après avoir réussi à l’examen final, il enchaîne avec six mois de formation en ajustage.
L’année d’après, en 1975 Lounès Matoub est appelé au service militaire, il rejoint Oran pour passer ses deux années sous les drapeaux. A sa sortie, il est embauché à l’économat du collège d’enseignement moyen d’Ait Douala où son père était cuisinier depuis 1972. sentant le succès lors des fêtes qu’il anime dans son village, il décide de se consacrer davantage à la chanson en tentant sa chance en France.
C’est en 1978 qu’il a débarqué en France. Un soir il anime une soirée dans un café où il gagne 4000 FF, ce qui l’encourage à monter à Paris. C’est là que le rêve commence à devenir réalité. Aussitôt arrivé à Paris, il se produit dans les cafés très fréquentés par la communauté émigrée Kabyle. C’est pendant cette période qu’il rencontre le chanteur Idir. Ce dernier l’a même invité un jour à chanter en compagnie d’autres chanteurs au palais de la Mutualité lors d’un grand récital intitulé « la nouvelle chanson berbère » organisé par la coopérative Imedyazen en collaboration avec le groupe d’Etude Berbère de l’Université de Vincennes. C’est au cours de ce concert que Matoub fait la connaissance de deux monuments de la chanson kabyle : Slimane Azem et Hnifa, d’ailleurs il a réadapté quelques unes de leurs chansons. Il manifestait, même dans ses textes, son affliction du sort de ces deux figures, l’une condamnée à l’exil et l’autre dont le cadavre fut abandonné après sa mort.
Lounès se rappelait bien du jour où son ami Idir, l’accompagna dans une maison d’édition pour faire son premier enregistrement. Son premier disque fut un succès. Puis tout s’est enchaîné de façon accélérée.
En avril 1980, la Kabylie était en plein effervescence, Matoub Lounès se produit à l’Olympia, dans une salle archicomble. Ce concert le contraint de suivre les événements de loin par le biais de la presse, depuis la France. En guise de solidarité avec la population kabyle, il monte sur scène à l’Olympia, la guitare à la main en pourtant un treillis militaire, une tenue de combat estimant que la Kabylie était entrée en guerre.
Ne pouvant rester indifférent aux événements berbère de Kabylie, il tente avec quelques militants kabyles, d’organiser une manifestation devant l’ambassade d’Algérie à Paris. La manifestation fut interdite, Lounès s’est fait embarqué par la police en compagnie de ses camarades en se retrouvant entassé dans des cellules minuscules. Depuis, Lounès Matoub a toujours répondu favorablement lors des célébrations du printemps berbère où il a animé plusieurs galas dans les milieux universitaires, notamment durant la décennie 80-90.
A l’avènement du multipartisme, pour Lounès, toujours fidèle à lui-même, la question identitaire demeurait l’objet de son militantisme et essaya, tant soit peu, d’éviter les clivages partisans. D’autant plus qu’il voyait en le MCB (Mouvement Culturel Berbère) un cadre rassembleur en dépit de toutes les césures. En effet, un certain 25 janvier 1990, date d’une marche historique, il a été désigné pour remettre un rapport à l’APN (Assemblée Populaire Nationale). Lounès déplore les divisions du mouvement, il disait : «malheureusement, c’est là où le bât blesse, lorsqu’on voit le mouvement s’effriter, alors que c’est notre force de frappe et de persuasion. Pour ma part, je ne prête pas attention à ce genre de discours. Le MCB est un mouvement qui draine énormément de foules donc sujet à des exploitations ».
Matoub qui contestait le régime sous le règne de Boumediene, garda de similaires positions pour celui de Chadli qui maintenait son indifférence à la calamité succédant le 20 avril 1980. Il lui fait grief également, à lui et son gouvernement, d’être à l’origine de ce qui s’est passé le 05 octobre 1988. En ce jour présent dans les mémoires de tous les algériens et des algériennes.
Les événements d’octobre 1988 ont laissé des séquelles dans le corps de Lounès. C’était le 9 octobre 1988 quand Matoub en compagnie de deux étudiants, à bord de son véhicule, a pris la destination de Ain El Hammam (ex Michelet) venant de l’université de Tizi-Ouzou pour distribuer un tract appelant la population à une grève générale de deux journées et au calme suite aux manifestations d’Alger. Intercepté par des gendarmes qui le suivaient, l’un deux tire à bout pourtant sur Lounès après l’avoir insulté tout en passant les menottes aux deux étudiants. Lounès Matoub s’effondra il est atteint de cinq balles dans l’une lui traverse l’intestin et fait éclater le fémur droit. Il est ensuite évacué vers l’hôpital de Ain El Hammam puis à l’hôpital de Tizi-Ouzou. Ensuite il est transféré à la clinique des orangers à Alger. Il y est resté six mois avant d’être transféré en France pour des soins plus intensifs à l’hôpital Beaujon le 29 mars 1989. six semaines plus tard, il anime un gala au stade de Tizi-Ouzou devant une immense foule alors qu’il portait des béquilles. En dix huit mois, il a subi quatorze opérations chirurgicales.
Au cours de son séjour à l’hôpital Mustapha, Isabelle Adjani lui rendait visite, ce qui le réconforte considérablement. Deux ans plus tard, et après un fragile rétablissement il replongeait dans le même bain ; cette fois-ci, il a été agressé par son voisin, poignardé au sein même de la brigade de la gendarmerie.
Le 29 juin 1994 lors de la marche organisé à Alger pour exiger la vérité sur les circonstances de l’assassinat du président Mohamed Boudiaf. Il était aux cotés de Said Sadi et Khalida Messaoudi quand une bombe explose au niveau de l’hôpital Mustapha faisant deux morts et plusieurs blessés.
Le regretté s’intéressait autant aux talentueuses plumes algériennes d’expression françaises, qu’il soit Djaout, Mekbel, Boucebci, Kateb, J.Amrouche … et son ami Dilem, un jeune caricaturiste qui lui inspirait l’humour, surtout l’audace et le courage. En effet, les empreintes de ces personnes illuminaient le parcours du Rebelle ; il se référait maintes fois à leurs idéaux – « Tu parles, tu meurs, tu te tais, tu meurs alors pales et meurs », « On veut nous emprisonner dans un passé sans mémoire et son avenir » -
A propos des initiateurs des doctrines obscurantistes, l’exemple de Belhadj, Abassi Madani, Kebir…, Lounès avait la nausée à chaque fois que l’on en fait la moindre allusion. Depuis un très jeune âge, il manifestait publiquement son hostilité absolue à ces courants.
Ses positions étaient formelles face aux hordes du GIA ! Cette attitude a failli lui coûter la vie quelques années plus tard ! Le 25 septembre 1994, à 21h environ, il fut kidnappé par un groupe armé qui le surprit dans un café-bar, pas loin de Tizi-Ouzou.
Son enlèvement a bouleversé toute la Kabylie qui s’est solidarisée jusqu’à sa libération survenue le 10 octobre aux environs de 20h dans un café à Ait Yenni. Durant seize jours de séquestrations, Matoub a été condamné à mort par un tribunal islamique. Grâce à la mobilisation de la population, Lounès a retrouvé les siens sain et sauf. Cet enlèvement a suscité beaucoup de spéculations à tel point que certains l’accusent d’avoir monté un scénario lui-même pour se faire un nom et avoir une grande personnalité. Quelle absurdité ! Lounès a passé quinze nuits de séquestration pendant lesquelles il ne voyait que la mort – une mort atroce – devant ses yeux, se sentait parfois interpellé moralement pour essayer de se justifier et de prouver l’authenticité de son enlèvement. Matoub disait à propos de ces gens : « ceux qui parlent de mise en scène veulent me pousser à bout. Je les gêne tant sur le plan professionnel que politique. Ce sont des individus qui aiment vivre d’amalgames, de calomnies et de mensonges.»
Depuis, en dépit de ce qu’il a subi comme « torture » psychologique pendant sa séquestration et les menaces qui pesaient sur lui, il n’a pas cesser de chanter et de continuer son combat pour tamazight, pour la démocratie et contre l’intégrisme islamiste. Pendant ces moments cruels et sous l’autorité des terroristes, il demeurait inquiet pour son sort lui, qui est conscient du danger qu’il avait concouru. Il est jugé pour ses chansons, il racontait dans son livre rebelle qu’un procès s’est déroulé dans la forêt : « » C’est toi l’ennemi de Dieu. » Je n’ai pas répondu. Ensuite, il a passé en revue tous ce qu’ils avaient à me reprocher. J’ai compris à ce moment-là que mon » procès » se préparait. En tête des chefs d’accusation, évidemment, mes chansons. » C’est à cause de tes chansons que la Kabylie est en train de sombrer dans le néant, c’est toi le responsable. » Je n’avais donc que d’autre choix que d’abandonner, je devais cesser de chanter. L’exemple, le modèle qu’ils me citaient sans cesse était celui de Cat Stevens, que tous appelaient de son nom musulman, Youssef Islam. Ce très grand chanteur avait décidé du jour au lendemain de quitter sa vie passée pour embrasser l’islam et rejoindre « les rangs du djihad »
En revanche, on lui reprochait ses « blasphèmes » recommencés à l’encontre de l’Islam et du Coran, La chanson qu’il avait écrite après la mort de Boudiaf, L’Hymne à Boudiaf, lui a valu une interpellation particulièrement vive : » Comment as-tu pu écrire sur ce chmata, cette saleté ? Tu ne sais pas qu’il a envoyé dix mille de nos frères dans le Sud algérien dans des camps de concentration ? » cependant, ils l’ont mis au même pied d’égalité que Salman Rushdie. Enfin et après un long interrogatoire qui durait des jours, c’est-à-dire, le 10 octobre de la même année, ils le libérèrent en lui confiant un message aux Kabyles.
Lounès était aussi un fervent supporter de la JSK depuis longtemps, il a d’ailleurs composé plusieurs chansons sur le club kabyle, malgré que les dirigeants de la JSK n’étaient pas favorables à ce que ce club soit une tribune d’expression pour la revendication identitaire. Le jour de l’enlèvement de Lounès, un ami à lui, tenta vainement de persuader les dirigeant de la JSK de rompre la rencontre l’opposant à un club des Aurès (un autre club berbère), Il écrit dans son livre Rebelle : « Un ami est allé trouver la JSK pour demander aux responsables du club d’annuler la partie. Refus. Il a proposé alors que les joueurs portent un brassard noir à la mi-temps. Nouveau refus. Ou les responsables ne se sentaient pas concernés, ou ils craignaient d’éventuelles représailles. Ils ont souvent manqué de courage. La preuve : je leur avais demandé de sponsoriser le Mouvement culturel berbère lors d’un match important…». « Leur refus a été catégorique, sous prétexte que le danger était trop grand. Le danger terroriste, bien sûr. Les dirigeants de la JSK à mon sens, ne sont pas réellement sensible à la cause berbère. ».
Le 24 novembre 1994, Matoub a été l’hôte du directeur de l’UNESCO, en présence de nombreux hommes des arts, des lettres et des journalistes lui rendant hommage pour son combat pour la démocratie. A l’issue de cette rencontre, Lounès a remis à son hôte le coffret complet de son œuvre. Aussi, en guise de reconnaissance et de récompense pour son combat pour la démocratie, il reçoit le 06 décembre de la même année, le Prix de la Mémoire qui lui a remis Madame Danielle Mitterrand à l’amphithéâtre de l’université de la Sorbonne à Paris. Il devient le chanteur le plus médiatisé. Sa popularité ne cesse de prendre de l’ampleur. Sa carrière de chanteur s’approfondit considérablement en faisant dans l’innovation artistique. Ses dernières productions parlent d’elles-mêmes tant sur le plan musical qu’à travers les textes.
En dehors de la France où il se produit très souvent, Lounès a animé un gala le 16 janvier 1993 à Montréal, à l’occasion du nouvel an berbère, puis à New-York le 20 janvier 1993 et en Californie le 13 mars de la même année.
En janvier 1995, il publie aux éditions Stock, à Paris, un livre sur sa vie qu’il considère comme un reflet de son parcours, il disait à propos de cela : « cet ouvrage est la somme de toutes les souffrances passées. Mon rapt, puis ma libération grâce à la mobilisation de la population a été le déclic qui déclenché le besoin d’écrire. C’était un moment important dans ma vie. Quand j’ai été blessé, la population a été pour moi d’un grand réconfort psychologique. Par contre le dernier épisode a été très fort, très douloureux. 15 nuits de séquestration c’est 15 morts consécutives. J’en garde encore des séquelles. C’est ce qui m’a motivé pour écrire ce livre. L’écrit reste comme un témoignage impérissable du péril islamiste auquel certains osent trouver des circonstances atténuantes et vont même jusqu’à le soutenir ».
Deux années après ce succès, en 1997 le rebelle rencontrera Nadia qui deviendra sa troisième femme, après Saadia. Le 25 juin de l’année suivante, revenant de Tizi-Ouzou, afin de rentrer chez lui en compagnie de sa femme et ses belles sœurs, Matoub Lounès fut lâchement assassiné par un groupe armé qui l’assaillirent en tirant sur son véhicule d’une bourrasque de balles de kalachnikov. Ainsi nous quitta à ne plus jamais le symbole de la chanson engagée d’expression kabyle. Tel un coup de tonner, l’information jaillissait de partout la Kabylie. Une grande révolte des populations de Lounès succéda à sa disparition…
Bouleversé par les événements, rattaché par la fidélité à son combat et contraint de mener sa vie telle que voulue pour cause d’insécurité, telle était la situation dont s’était retrouvé Matoub Lounès. C’est son choix ; « Moi j’ai fait un choix. Tahar Djaout avait dit : il y a la famille qui avance et la famille qui recule. J’ai investi mon combat aux cotés de celle qui avance. Je sais que je vais mourir dans un, deux mois, je ne sais pas. Si on m’assassine, qu’on me couvre du drapeau national et que les démocrates m’enterrent dans mon village natal Taourirt Moussa. Ce jour-là, j’entrerai définitivement dans l’éternité ».
De par ses textes, ses chansons, ses interventions…nul ne peut nier ni le talent de Lounès dans la chanson, ni son combat pour une Algérie debout, ni son militantisme zélé pour l’aboutissement de la revendication identitaire.
Dans son dernier album il reprend l’hymne national à sa manière, malgré les dangers qu’ils attendaient : « Je sais que ça va me valoir des diatribes, voire un enfermement, mais je prends ce risque, après tout il faut avancer dans la démocratie et la liberté d’expression »
Il était aussi un fervent défenseur du système fédéral qu’il considérait comme solution à tout les maux de l’Algérie : « Le régionalisme est une réalité politique, il s’agit de l’assumer dans un système fédéral. L’histoire a façonné le peuple algérien suivant des composantes distinctes, qui expriment aujourd’hui des aspirations contradictoires. Il faut diaboliser cette notion de fédéralisme qui est une forme d’organisation très avancée. Régionaliser, c’est donner plus de pouvoir aux régions. C’est pour le bien de tout le pays. Plusieurs exemples dans le monde montre l’efficience de cette forme d’organisation ».
Quelles que soient nos tentatives de faire valoir l’expression, les mots seront pauvres pour évoquer le sacrifice, et l’activisme de Matoub. Le moins qu’on puisse dire qu’on a perdu, un grand chantre, un vrai patriote, un véritable militant de la cause démocratique. Un Rebelle, tout cours !
Le 25 juin 1998 à la mi-journée, Lounès Matoub fut assassiné pas loin de son village au cœur de la Kabylie. Cet assassinat a bouleversé le monde entier et la Kabylie en particulier. La population kabyle a aussitôt déferlé sur Tizi-Ouzou. Des manifestations publiques ont gagné le pays Kabyle entier. Quelques heures après cet assassinat, Noureddine Aït-Hamouda intervient dans les médias internationaux (comme France-Infos) pour affirmer que les assassins sont les islamistes du GIA, idée fixe également développée par Khalida Messaoudi, alors députée-RCD au parlement algérien. C’est ainsi une véritable « pression » médiatique qui s’exerce pour faire admettre la thèse du GIA dans l’assassinat de Lounès. Même Malika Matoub, la sœur de Lounès, déclare que les assassins sont les islamistes du GIA. Plusieurs observateurs se posaient déjà la question de l’intérêt du RCD à vouloir imposer à l’opinion la thèse du GIA dans cet assassinat.
Malgré cette pression, les jeunes manifestants de Kabylie envahissant les rues clamaient fort « Pouvoir assassin ! ». Cette phrase à elle seule résume ce que pense la Kabylie profonde de cet assassinat. La junte militaire, au pouvoir depuis 1962, est clairement mise en cause et rendue responsable de ce crime politique par les foules des manifestants.
Quelques jours plus tard, Malika Matoub revient sur ses déclarations initiales et, avec sa mère, demande à ce que toute la vérité soit faite sur l’assassinat. Elles exigent qu’une véritable enquête soit diligentée. Elles relèvent plusieurs points d’ombre dans la gestion faite par les autorités de cette affaire. A ce jour elles ne cessent de demander à ce que toute la lumière soit faite sur cette affaire.
C’est au tour de Nadia Matoub, par la suite, de se joindre aux voix de Malika et sa mère pour demander une enquête sur l’assassinat. Elle n’exclut aucune piste quant aux auteurs et commanditaires de l’assassinat.
Dans un texte rendu public par le MAOL, Mouvement algérien des officiers libres, en désaccord avec les généraux au pouvoir, il est donné des détails très accablants concernant l’assassinat de Matoub Lounès. Des responsables du RCD à l’époque de l’assassinat de Lounès, en l’occurrence Noureddine Aït-Hamouda et Khalida Messaoudi, ont été cités dans ce texte. D’après le MAOL, Noureddine Aït Hamouda aurait joué un rôle important dans le complot de l’assassinat de Lounès commandité par le haut commandement militaire algérien dans le but de déstabiliser Zeroual et le pousser au départ.
Les éléments du MAOL ne peuvent être qu’une frange de la junte militaire algérienne ; ils sont donc du sérail et s’ils ont évoqué l’affaire Matoub ce n’est que parce qu’ils ont un quelconque intérêt et ce n’est sans doute pas le désir de contribuer à faire connaître la vérité sur cette affaire qui les anime. Eux qui sont des nationalo-arabo-islamistes. Mais dans leurs déclarations ils ont cité des noms et ont évoqué des faits ; ce sont ces éléments qui nous intéressent. Et aux personnes citées de se prononcer et donner leurs versions quant aux faits relevés par le MAOL. Ces personnes doivent notamment démentir les déclarations des officiers du MAOL s’il y a diffamation.
L’autre épisode ayant marqué l’affaire Matoub est le reportage réalisé par la chaîne de télévision française Canal+, dans le cadre de son émission « 90 minutes », consacré à l’affaire Matoub et intitulé « la grande manip ». Ce que l’on peut retenir de ce reportage c’est la convergence de l’ensemble des témoignages vers la thèse d’un assassinat organisé par la junte militaire algérienne. Les témoignages de Malika et Nadia Matoub incitent à se poser des questions quant à l’intérêt du RCD, ou du moins de certains de ses membres dont Noureddine Aït-Hamouda, à vouloir imposer à l’opinion la thèse du GIA dans l’assassinat de Matoub. Ainsi Malika Matoub affirme être félicitée par Noureddine Aït-Hamouda pour avoir soutenu que le GIA était le responsable de l’assassinat. Il lui aurait même proposé de lui faire rencontrer des personnes du haut commandement militaire qui sont satisfaits de ses déclarations. Nadia Matoub, affirme néanmoins que des éléments du RCD lui avaient promis des visas pour elle et ses sœurs ; en contrepartie, elle devait tenir une conférence de presse à Tizi-Ouzou pour laquelle ils lui ont rédigé la déclaration préliminaire qui disait en substance que les assassins étaient des éléments du GIA.
Dans leur ouvrage publié chez les éditions La Découverte, Lounis Aggoun et Jean-Baptiste Rivoire reviennent sur l’assassinat de Lounès et donnent un certain nombre de détails sur l’avant et après assassinat. Ils nous apprennent, par exemple, que le jour de l’assassinat un barrage de gendarmerie s’est mis en place sur la route d’At Douala et les gendarmes se sont mis à dévier la circulation de cette route : seule la Mercedes noire de Lounès sera autorisée à emprunter cette route sur laquelle elle sera mitraillée quelques minutes plus tard…
Avec tous les éléments que nous connaissons à ce jour, il est difficile de ne pas penser que le régime algérien ne soit pas responsable de l’assassinat de Matoub Lounès. La complicité de Kabyles de service est plus qu’évidente ; il était même nécessaire.
Mais si l’on admet cette hypothèse, est-il raisonnable aujourd’hui de s’attendre à ce que l’Etat algérien fasse la lumière sur cette affaire ? Cet Etat est-il en mesure de révéler la vérité sur cet assassinat tant que les clans qui l’ont confisqué ont tout intérêt à la cacher ? Peut-on vraiment parler de justice dans un Etat où la mafia militaire fait de la « bonne gouvernance » ? A force d’attendre la lumière sur cette affaire, nous finirait-on pas par rester dans l’obscurité… et oublier ?
Vaut mieux donc dire que la vérité nous la connaissons : l’ordre d’exécution émanerait du haut commandement militaire algérien. L’exécution de cette tâche a été confiée aux gendarmes et aux supplétifs locaux…
Sa jeunesse
A l’age de neuf ans, il fabrique sa première guitare à partir d’un bidon d’huile de moteur vide, et compose ses premières chansons durant l’adolescence.
Sa prise de conscience identitaire et culturel débute à la confrontation armée entre les Kabyles et les forces gouvernementales en 1963-1964.
En 1968, le gouvernement algérien introduit une politique d’arabisation dans le système éducatif au détriment du berbère. Matoub réagit en n’allant pas à l’école. Finalement, il quitte le système éducatif et devient autodidacte. En 1978, il émigre en France à la recherche de travail.
Son début de carrière musicale
Arrivé en France, Matoub Lounès anime plusieurs soirées dans des cafés parisiens fréquentés par la communauté kabyle. C’est là qu’il se fait remarquer par le chanteur Idir qui l’aide à enregistrer son premier album, Ay Izem, qui remporte un vif succès.
En 1980, le poète se produit pour la première fois à l’Olympia en plein évènements du printemps berbère. Il monte alors sur scène habillé d’une tenue militaire pour manifester son soutien aux manifestants kabyles.
Depuis la sortie de son premier album Ay izem (Ô lion), Matoub Lounès célèbre les combattants de l’indépendance et fustige les dirigeants de l’Algérie à qui il reproche d’avoir usurpé le pouvoir et de brider la liberté d’expression. Chef de file du combat pour la reconnaissance de la langue berbère, il est grièvement blessé par un gendarme en octobre 1988. Il raconte sa longue convalescence dans l’album L’Ironie du sort (1989).
Son engagement
Les textes de Matoub Lounès sont revendicatifs et se consacrent à la défense de la culture berbère.
Il s’oppose à la politique d’arabisation et d’islamisation de l’Algérie. Il parle le kabyle, le français, et comprend l’arabe sans l’employer. C’est un partisan de la laïcité et de la démocratie, et s’est fait le porte-parole des laissés-pour-compte et des femmes.
Opposé à l’islamisme et au terrorisme islamiste, il condamne l’assassinat d’intellectuels. Il fut enlevé le 25 septembre 1994 par le GIA (Groupe Islamique Armée), puis libéré au terme d’une mobilisation de l’opinion publique de la communauté kabyle. La même année, il publie un ouvrage autobiographique, Rebelle, et reçoit le Prix de la mémoire des mains de Danielle Mitterrand.
En 1996, il participe à la marche des rameaux en Italie pour l’abolition de la peine de mort alors qu’en mars 1995, le S.C.I.J.(Canada) lui remet Le Prix de la Liberté d’expression.
En 1998, il sort les albums Tabratt i lḥukem et Ilḥeq-d zzher. Ces derniers sont de genre chaâbi. Il y dénonce la lâcheté et la stupidité du pouvoir algérien. Le morceau Tabratt i lḥukem de l’album éponyme, est construite en « kacide » (enchaînement de musiques différentes). Le dernier morceau est une parodie de Kassaman, l’hymne national algérien.
Le 25 juin 1998, il est assassiné sur la route menant de Tizi Ouzou à At Douala en Kabylie à quelques kilomètres de son village natal (Taourirt Moussa). Les conditions de ce meurtre n’ont jamais été élucidées. Les funérailles du chanteur drainèrent des centaines de milliers de personnes, tandis que toute la région connut plusieurs semaines d’émeutes.
Le 30 juin 1998, le GIA revendique son assassinat.
Après sa mort
Une fondation portant le nom du chanteur a été créée par ses proches pour perpétuer sa mémoire, faire la lumière sur l’assassinat et promouvoir les valeurs d’humanisme défendues pendant la vie de Matoub Lounès .
Cinq rues portant le nom de Matoub Lounès ont été inaugurées en France à sa mémoire :
- A Paris
- A Aubervilliers
- Dans la commune de Saint-Martin-d’Hères près de Grenoble.
- À Vaulx-en-Velin près de Lyon le 22 novembre 2003.
- Dans la commune de Pierrefitte (Seine Saint Denis)
- Une maison du quartier (inaugurée en octobre 2002) et une crèche portent son nom dans la ville de Montreuil (93100).
Matoub Lounès est l’un des artistes kabyles, les plus connus en Kabylie comme dans le monde entier en raison de son engagement.
Source : Wikipédia
Il est né à Taourirt Moussa Ouamar, Beni Douala, le 24 janvier 1956, en Kabylie, Algérie. Il meurt le 25 juin 1998, assassiné sur la route d’At Douala. Officiellement, cet assassinat est attribué au GIA, mais sa famille et quelques hypothèses accusent le pouvoir algérien d’être derrière son assassinat.
Matoub Lounès acquiert un statut de martyr pour tous les militants de la cause berbère.
Depuis la sortie de son premier album A Yizem anda tellid ? (Ô lion où es-tu ?) Matoub Lounes célèbre les combattants de l’indépendance et fustige les dirigeants de l’Algérie à qui il reproche d’avoir usurpé le pouvoir et de brider la liberté d’expression. Chef de file du combat pour la reconnaissance de la langue berbère, Matoub Lounes est grièvement blessé par un gendarme en octobre 1988. Il raconte sa longue convalescence dans l’album L’Ironie du sort (1989).
Violemment opposé au terrorisme islamiste, Matoub Lounes condamne l’assassinat d’intellectuels, mais il fut enlevé le 25 septembre 1994 par un groupe armé, puis libéré au terme d’une forte mobilisation de l’opinion kabyle. La même année, il publie un ouvrage autobiographique Le Rebelle et reçoit le Prix de la mémoire des mains de Danielle Mitterrand.
En 1996, Matoub Lounes participe à la marche des rameaux en Italie pour l’abolition de la peine de mort alors qu’en en mars 1995, le S.C.I.J.(Canada) lui remet Le Prix de la Liberté d’expression.
Le 25 juin 1998, Matoub Lounes est assassiné sur la route menant de Tizi Ouzou à Ath Douala en Kabylie à quelques kilomètres de son village natal. Les conditions de ce meurtre n’ont jamais été élucidées. Les funérailles du chanteur drainèrent des centaines de milliers de personnes, tandis que toute la région connut plusieurs semaines d’émeutes. Son dernier album Lettre ouverte aux…, parut quelques semaines après l’assassinat, contient une parodie de l’hymne national algérien dans laquelle il dénonce le pouvoir en place.
Une fondation portant le nom du chanteur Matoub Lounes a été créée par ses proches pour perpétuer sa mémoire, faire la lumière sur l’assassinat et promouvoir les valeurs défendues par Matoub Lounes.
Deux rues portant le nom de Matoub Lounes ont été inaugurées en France à sa mémoire:
• Dans la commune de Saint-Martin-d’Hères près de Grenoble.
• À Vaulx-en-Velin près de Lyon le 22 novembre 2003.
Matoub Lounes est, parmi les artistes kabyles, le plus connu en Kabylie et dans le monde entier de par son engagement, en plus de sa discographie.
«Mais la paix renaîtra un jour et mes chants parmi vous célébreront à nouveau le printemps si cher à nos cœurs..». L’auteur de ses lignes s’appellait Lounès Matoub, star de la chanson kabyle et héros dans sa région natale, TAMAZGHA
Au milieu d’une conjoncture qui n’était pas comme toutes les autres, marquée par la guerre d’Algérie, et plus exactement le 24 janvier 1956 naquit Lounès Matoub au sein d’une famille humble et très modeste, dans la région d’Ait Douala dans les montagnes de Djurdjura, à une vingtaine de kilomètres de Tizi-Ouzou. La région de chanteur Matoub Lounes a connu beaucoup de mouvement et de répression et encore des cas d’enlèvement, en septembre 2002 Bouzegzi Samir et Boudarene Ahcene de village Taguemount Azouz ont été enlevés trois jours après leurs déclarations dans la presse où ils ont dénoncé le vote « nous sommes contre le vote , l’état algérien est responsable de tout ce qui ce passe en Kabylie »
A l’aube de son enfance, commença à pousser chez Lounès un germe d’indocilité, un germe qui en fera de lui un Rebelle. En revanche, au cours de cette période où l’on ne trouve guère place à l’innocence, il essaya de refouler toute idée d’oppression en risquant de mettre le feu à son village; c’est sa façon à lui, en tant qu’enfant de s’insurger, de s’extérioriser, de dire non à la domination.
Il survint le jour où il partit, en compagnie d’un groupe d’enfants, turbulents comme lui, dans une cabane pour fumer discrètement. En allumant, la cahute prit feu. Toute une histoire s’est orchestrée; déplacement sur les lieux des troupes françaises, une double-enquête ! De ces dernières et des maquisards…et finalement ce n’était qu’un petit enfant, innocent, révolté appelé Lounès Matoub. Il en était fier!
Sous l’ombre d’une situation difficile, marquée par l’émigration des Algériens en France – surtout les Kabyles – à la recherche d’un emploi pour assurer une certaine vie à sa famille, le petit Lounès était contraint de vivre loin de son père parti en exil. Il deviendra ainsi le « petit homme » du foyer, aux côtés de sa mère et grand-mère qui occupaient ensemble leur maison à Taourirt Moussa. Après la naissance de sa sœur Malika, en 1963, il garda toujours son statut de « l’homme de la maison », il demeurait, alors, gâté en dépit des carences multidimensionnelles dues à une misérable situation où sombrait l’Algérie colonisée. Pour se consoler de l’absence de son père, Lounès éprouvait un puissant attachement à sa mère qu’il considérait « merveilleuse ». En effet, c’était elle qui veillait sur les besoins de la maison en l’absence de son mari. En ces moments rudes, la mère de Lounès endossait toutes les charges ; se soumettait aux exigences de la vie quotidienne, chez elle ou ailleurs, et prenait en charge son enfant. Tout en s’absorbant dans le travail, qu’il soit à la maison (dans la cuisine surtout la préparation du couscous), aux champs… elle chantait – afin de se consoler – ce qui avait suscité chez son enfant une vigoureuse volonté de s’aventurer dans la chanson. Héritant le critère oral qui détermine la culture berbère, elle racontait à son fils, chaque soir, des contes kabyles desquels le futur chanteur acquiert un lexique d’une richesse « terrible ».
Consciente de ce que vaut l’instruction, la mère de Lounès insistait à ce que son fils fréquente l’école avant d’atteindre l’âge requis. Mais, Lounès voyait en celle-ci une cellule, une prison qui le prive de beaucoup de préoccupations puériles; il lui réservait moins d’importance.
Scolarisé en 1961 à l’école de son village, une des vieilles écoles de Kabylie construite à la fin du siècle dernier, Lounès était un enfant bavard et ce durant toute sa scolarité. Ce qui lui a valu d’être renvoyé de l’école à plusieurs reprises.
Cependant, il préférait courir derrière la « liberté », celle qu’il retrouvait quelque part ailleurs, loin de l’école, à la chasse « pratiquement kabyle » ; poser des pièges, tendre des lacs… Véhiculé par l’innocence et l’inconscience enfantine, il se souciait moins de ses devoirs scolaires qu’aux aventures puériles.
Tout en se référant au combat opposant l’armée française à l’ALN, les enfants tel que Lounès, qui estimait les maquisards, fabriquaient des « armes » afin de peindre ce combat et lui donner une image qui leur est propre.
Etant un petit enfant, Lounès n’était pas apte de garder en mémoire tous les événements qui se sont produits durant la guerre, néanmoins il se rappelait bien de quelques scènes qui ont marqué son enfance innocente et demeuraient, a posteriori, gravées dans sa mémoire. C’est le cas des ratissages dont faisait l’objet son village, les tableaux représentant la complicité des harkis …D’ailleurs, on craignait moins les Français que ceux-là.
Lounès se rappelait également, très bien, du jour où les Kabyles qui vivaient à Alger débarquèrent chez eux fuyant l’OAS. Il s’en souvenait, très bien, puisque leurs enfants ramenèrent leurs jouets de qualité. Jalousie d’un enfant ! Quoi qu’il soit indifférent à l’école, Lounès garde en mémoire de sa scolarité, l’image des pères blancs qu’il appréciait autant qu’il respecte leur enseignement. Pour lui, ces « religieux » représentaient une lueur lui éclairant – et pour tous les enfants de sa génération – une vision sur un monde moderne qui tient ses racines de l’ancien, plutôt des ancêtres. D’ailleurs, d’après lui toujours, ils leur enseignaient même des cours d’histoire, de « notre civilisation » ; celle de Jugurtha, ils apprenaient, en outre, aux filles à coudre, à tisser, presque toutes les activités manuelles… Plus loin encore, ils s’impliquaient dans le mouvement de la guerre aux côtés des Algériens. Par conséquent, ces instructions avaient contribué de façon à faire de Lounès un homme, auquel la question identitaire devient une priorité, une préoccupation fondamentale, objet de son anxiété même. Dans un sens large, il était reconnaissant à cette qualité d’enseignement qui incarnait l’ouverture d’esprit pour ainsi devenir un véritable militant de la démocratie.
Issu donc d’une école, peut-on le dire, française, il avait le privilège de maîtriser la langue de Voltaire qui suscitera son appétit à la lecture. Il lu, alors Mammeri, Camus, Amrouche,…et Feraoun. Mais la loi de Boumediene, en 1968, portant l’arabisation de l’école – Ahmed Taleb alors, ministre de l’éducation s’en est chargé – vint tel un coup d’épée. Lounès la considérait arbitraire, telle une provocation, et même une agression à toute une région de l’Algérie qu’est la Kabylie. En revanche, il éprouvait dès lors un rejet catégorique à la langue arabe et de même à l’école coranique de l’époque dite « Zawiya ». Lui qui était conscient du danger que concourait cette décision n’hésitera guère, plus tard, à crier haut et fort que le FIS, plutôt tous les intégristes soient un produit, pur et net, d’une école algérienne sinistrée.
De ce fait, après « l’indépendance » en 1962, la paix semblait s’installer, et la violence chercher un autre compartiment… Ainsi croyait-on … ! ? Mais, juste une année plus tard, la violence reconquiert la Kabylie. De cette façon, Lounès et sa génération assisteront au conflit qui opposera le régime de Ben Bella, président de « l’Algérie indépendante », aux officiers de la wilaya 3 à leur tête Hocine Ait Ahmed président du FFS (Front des Forces Socialistes). Le conflit a fait plus de 400 morts et des milliers de blessés. Krim Belkacem, un grand homme politique, signataire des accords d’Evian, s’est démarqué de ce conflit. Matoub considérait cet antagonisme comme première déchirure de la Kabylie, mais ce qui le traumatisera le plus est le fait que, 23 ans plus tard – c’est-à-dire -en 1985, ces deux personnalités (Ait Ahmed et Ben Bella), en conflit aigu, se rencontrent dans l’objectif de constituer une alliance contre le régime en place; il qualifia cette initiative d’absurde et aberrante ! En produisant un album pour exprimer son rejet à cette fallacieuse alliance, il a été traité par certains titres de la presse française, de fasciste.
Son destin est ainsi tracé. Qui aurait pensé, même pas lui d’ailleurs, qu’il allait devenir une vedette et l’homme de « la légende vivante ». Il a commencé à s’intéresser et à apprendre la musique comme beaucoup d’autres chanteurs montagnards de Kabylie. A l’âge de neuf ans, il fabrique lui-même sa première guitare artisanale à l’aide d’un vieux bidon d’huile. Il commence à gratter sur les fils en plastique en jouant l’air populaire le plus connu : « Ah a madame serbi latay ». (Ah madame sers moi du thé). Lounès n’a jamais appris la musique à l’école, d’ailleurs il disait : « Je n’ai jamais étudié ni la musique ni l’harmonie. Même lors des galas, je n’ai ni partition, ni pupitre, rien. J’ai toujours travailler à l’oreille et j’ai acquis cette oreille musicale en écoutant les anciens, en assistant aux veillés funèbres, là où les chants sont absolument superbes, de véritables chœurs liturgiques. Mais on n’y chante pas Dieu, on parle de misère sociale, de vie, de mort. Ce sont des chants de notre patrimoine, que de générations d’hommes et de femmes ont chantés. Là est ma seule culture musicale. A part cela, je reconnais être incapable de lire la moindre note de musique, au point qu’il m’est impossible de distinguer, sur une partition, mes propres compositions. Tout ce que je fais, je le fais à l’oreille. Je prend mon mandole et j’essaie. Je trouve les accords, puis je compose des airs qui deviennent mélodies. A force de faire et de refaire, je les enregistre dans ma mémoire et je les retiens. J’accorde mes instrument à la voix, je n’utilise pas de diapason. Je sais que cela risque de surprendre un certain nombre de musiciens, mais je n’ai jamais utilisé de diapason. Je ne sais pas ce qui est un « la » et j’ignore la différence entre une clé de « sol » et une clé de « fa ». Tout cela m’est étranger. Sur scène, je demande aux musiciens de se régler sur ma voix. C’est toujours ainsi que j’ai fonctionné, et toujours ainsi que j’ai enregistré mes disques. Plusieurs fois, je me suis dit qu’il serait temps d’apprendre la musique d’une manière rigoureuse. Puis j’ai estimé que cette « contrainte » risquait finalement de plus m’embarrasser que me faire progresser. Cela pouvait même me bloquer. J’y ai donc renoncé, et je m’en porte très bien. Et même si je n’ai aucune notion de musique, au sens académique du terme, je sais parfaitement quand quelqu’un joue ou chante faux, ou quand mon mandole est désaccordé. C’est, chez moi, une question d’instinct. Même en matière de musique, je suis anticonformiste, rebelle au carcans des règles et des lois. Et puisque cela fonctionne ainsi, pourquoi se poser des questions ? »
C’est en 1972, qu’un miracle se réalisa pour Lounès. Son père rentre au pays après 30 ans d’émigration en France. A son arrivée à la maison, il lui offre un mandole qu’il lui avait acheté à Paris chez Paul Beusher. C’était le plus beau cadeau qu’il n’avait jamais eu, car il venait de son père. Une année plus tard, au cours d’un jeu de poker il mit la mise sur son mandole qu’il perd dans la partie. Et l’année suivante, il se débrouille pour s’acheter une guitare puis commence à animer régulièrement des fêtes.
Durant l’année 1974, pendant qu’il était interne au lycée de Bordj-Menaïel, il a été renvoyé à plusieurs reprises par le surveillant général à cause de sa mauvaise conduite. C’est à cette époque qu’un grave incident lui arriva. Il blesse un jeune garçon à coup de rasoir suite à une bagarre qui s’est déclenchée dans un salon de coiffure. Interpellé par la gendarmerie, il devait être relâché le lendemain. Au tribunal, Lounès a osé demander au procureur une cigarette. Ce dernier abasourdi par un tel comportement décide de le mettre en tôle. Lounès purgea alors un mois en prison. A sa sortie de prison, il fait un stage de mécanique générale à Alger, après avoir réussi à l’examen final, il enchaîne avec six mois de formation en ajustage.
L’année d’après, en 1975 Lounès Matoub est appelé au service militaire, il rejoint Oran pour passer ses deux années sous les drapeaux. A sa sortie, il est embauché à l’économat du collège d’enseignement moyen d’Ait Douala où son père était cuisinier depuis 1972. sentant le succès lors des fêtes qu’il anime dans son village, il décide de se consacrer davantage à la chanson en tentant sa chance en France.
C’est en 1978 qu’il a débarqué en France. Un soir il anime une soirée dans un café où il gagne 4000 FF, ce qui l’encourage à monter à Paris. C’est là que le rêve commence à devenir réalité. Aussitôt arrivé à Paris, il se produit dans les cafés très fréquentés par la communauté émigrée Kabyle. C’est pendant cette période qu’il rencontre le chanteur Idir. Ce dernier l’a même invité un jour à chanter en compagnie d’autres chanteurs au palais de la Mutualité lors d’un grand récital intitulé « la nouvelle chanson berbère » organisé par la coopérative Imedyazen en collaboration avec le groupe d’Etude Berbère de l’Université de Vincennes. C’est au cours de ce concert que Matoub fait la connaissance de deux monuments de la chanson kabyle : Slimane Azem et Hnifa, d’ailleurs il a réadapté quelques unes de leurs chansons. Il manifestait, même dans ses textes, son affliction du sort de ces deux figures, l’une condamnée à l’exil et l’autre dont le cadavre fut abandonné après sa mort.
Lounès se rappelait bien du jour où son ami Idir, l’accompagna dans une maison d’édition pour faire son premier enregistrement. Son premier disque fut un succès. Puis tout s’est enchaîné de façon accélérée.
En avril 1980, la Kabylie était en plein effervescence, Matoub Lounès se produit à l’Olympia, dans une salle archicomble. Ce concert le contraint de suivre les événements de loin par le biais de la presse, depuis la France. En guise de solidarité avec la population kabyle, il monte sur scène à l’Olympia, la guitare à la main en pourtant un treillis militaire, une tenue de combat estimant que la Kabylie était entrée en guerre.
Ne pouvant rester indifférent aux événements berbère de Kabylie, il tente avec quelques militants kabyles, d’organiser une manifestation devant l’ambassade d’Algérie à Paris. La manifestation fut interdite, Lounès s’est fait embarqué par la police en compagnie de ses camarades en se retrouvant entassé dans des cellules minuscules. Depuis, Lounès Matoub a toujours répondu favorablement lors des célébrations du printemps berbère où il a animé plusieurs galas dans les milieux universitaires, notamment durant la décennie 80-90.
A l’avènement du multipartisme, pour Lounès, toujours fidèle à lui-même, la question identitaire demeurait l’objet de son militantisme et essaya, tant soit peu, d’éviter les clivages partisans. D’autant plus qu’il voyait en le MCB (Mouvement Culturel Berbère) un cadre rassembleur en dépit de toutes les césures. En effet, un certain 25 janvier 1990, date d’une marche historique, il a été désigné pour remettre un rapport à l’APN (Assemblée Populaire Nationale). Lounès déplore les divisions du mouvement, il disait : «malheureusement, c’est là où le bât blesse, lorsqu’on voit le mouvement s’effriter, alors que c’est notre force de frappe et de persuasion. Pour ma part, je ne prête pas attention à ce genre de discours. Le MCB est un mouvement qui draine énormément de foules donc sujet à des exploitations ».
Matoub qui contestait le régime sous le règne de Boumediene, garda de similaires positions pour celui de Chadli qui maintenait son indifférence à la calamité succédant le 20 avril 1980. Il lui fait grief également, à lui et son gouvernement, d’être à l’origine de ce qui s’est passé le 05 octobre 1988. En ce jour présent dans les mémoires de tous les algériens et des algériennes.
Les événements d’octobre 1988 ont laissé des séquelles dans le corps de Lounès. C’était le 9 octobre 1988 quand Matoub en compagnie de deux étudiants, à bord de son véhicule, a pris la destination de Ain El Hammam (ex Michelet) venant de l’université de Tizi-Ouzou pour distribuer un tract appelant la population à une grève générale de deux journées et au calme suite aux manifestations d’Alger. Intercepté par des gendarmes qui le suivaient, l’un deux tire à bout pourtant sur Lounès après l’avoir insulté tout en passant les menottes aux deux étudiants. Lounès Matoub s’effondra il est atteint de cinq balles dans l’une lui traverse l’intestin et fait éclater le fémur droit. Il est ensuite évacué vers l’hôpital de Ain El Hammam puis à l’hôpital de Tizi-Ouzou. Ensuite il est transféré à la clinique des orangers à Alger. Il y est resté six mois avant d’être transféré en France pour des soins plus intensifs à l’hôpital Beaujon le 29 mars 1989. six semaines plus tard, il anime un gala au stade de Tizi-Ouzou devant une immense foule alors qu’il portait des béquilles. En dix huit mois, il a subi quatorze opérations chirurgicales.
Au cours de son séjour à l’hôpital Mustapha, Isabelle Adjani lui rendait visite, ce qui le réconforte considérablement. Deux ans plus tard, et après un fragile rétablissement il replongeait dans le même bain ; cette fois-ci, il a été agressé par son voisin, poignardé au sein même de la brigade de la gendarmerie.
Le 29 juin 1994 lors de la marche organisé à Alger pour exiger la vérité sur les circonstances de l’assassinat du président Mohamed Boudiaf. Il était aux cotés de Said Sadi et Khalida Messaoudi quand une bombe explose au niveau de l’hôpital Mustapha faisant deux morts et plusieurs blessés.
Le regretté s’intéressait autant aux talentueuses plumes algériennes d’expression françaises, qu’il soit Djaout, Mekbel, Boucebci, Kateb, J.Amrouche … et son ami Dilem, un jeune caricaturiste qui lui inspirait l’humour, surtout l’audace et le courage. En effet, les empreintes de ces personnes illuminaient le parcours du Rebelle ; il se référait maintes fois à leurs idéaux – « Tu parles, tu meurs, tu te tais, tu meurs alors pales et meurs », « On veut nous emprisonner dans un passé sans mémoire et son avenir » -
A propos des initiateurs des doctrines obscurantistes, l’exemple de Belhadj, Abassi Madani, Kebir…, Lounès avait la nausée à chaque fois que l’on en fait la moindre allusion. Depuis un très jeune âge, il manifestait publiquement son hostilité absolue à ces courants.
Ses positions étaient formelles face aux hordes du GIA ! Cette attitude a failli lui coûter la vie quelques années plus tard ! Le 25 septembre 1994, à 21h environ, il fut kidnappé par un groupe armé qui le surprit dans un café-bar, pas loin de Tizi-Ouzou.
Son enlèvement a bouleversé toute la Kabylie qui s’est solidarisée jusqu’à sa libération survenue le 10 octobre aux environs de 20h dans un café à Ait Yenni. Durant seize jours de séquestrations, Matoub a été condamné à mort par un tribunal islamique. Grâce à la mobilisation de la population, Lounès a retrouvé les siens sain et sauf. Cet enlèvement a suscité beaucoup de spéculations à tel point que certains l’accusent d’avoir monté un scénario lui-même pour se faire un nom et avoir une grande personnalité. Quelle absurdité ! Lounès a passé quinze nuits de séquestration pendant lesquelles il ne voyait que la mort – une mort atroce – devant ses yeux, se sentait parfois interpellé moralement pour essayer de se justifier et de prouver l’authenticité de son enlèvement. Matoub disait à propos de ces gens : « ceux qui parlent de mise en scène veulent me pousser à bout. Je les gêne tant sur le plan professionnel que politique. Ce sont des individus qui aiment vivre d’amalgames, de calomnies et de mensonges.»
Depuis, en dépit de ce qu’il a subi comme « torture » psychologique pendant sa séquestration et les menaces qui pesaient sur lui, il n’a pas cesser de chanter et de continuer son combat pour tamazight, pour la démocratie et contre l’intégrisme islamiste. Pendant ces moments cruels et sous l’autorité des terroristes, il demeurait inquiet pour son sort lui, qui est conscient du danger qu’il avait concouru. Il est jugé pour ses chansons, il racontait dans son livre rebelle qu’un procès s’est déroulé dans la forêt : « » C’est toi l’ennemi de Dieu. » Je n’ai pas répondu. Ensuite, il a passé en revue tous ce qu’ils avaient à me reprocher. J’ai compris à ce moment-là que mon » procès » se préparait. En tête des chefs d’accusation, évidemment, mes chansons. » C’est à cause de tes chansons que la Kabylie est en train de sombrer dans le néant, c’est toi le responsable. » Je n’avais donc que d’autre choix que d’abandonner, je devais cesser de chanter. L’exemple, le modèle qu’ils me citaient sans cesse était celui de Cat Stevens, que tous appelaient de son nom musulman, Youssef Islam. Ce très grand chanteur avait décidé du jour au lendemain de quitter sa vie passée pour embrasser l’islam et rejoindre « les rangs du djihad »
En revanche, on lui reprochait ses « blasphèmes » recommencés à l’encontre de l’Islam et du Coran, La chanson qu’il avait écrite après la mort de Boudiaf, L’Hymne à Boudiaf, lui a valu une interpellation particulièrement vive : » Comment as-tu pu écrire sur ce chmata, cette saleté ? Tu ne sais pas qu’il a envoyé dix mille de nos frères dans le Sud algérien dans des camps de concentration ? » cependant, ils l’ont mis au même pied d’égalité que Salman Rushdie. Enfin et après un long interrogatoire qui durait des jours, c’est-à-dire, le 10 octobre de la même année, ils le libérèrent en lui confiant un message aux Kabyles.
Lounès était aussi un fervent supporter de la JSK depuis longtemps, il a d’ailleurs composé plusieurs chansons sur le club kabyle, malgré que les dirigeants de la JSK n’étaient pas favorables à ce que ce club soit une tribune d’expression pour la revendication identitaire. Le jour de l’enlèvement de Lounès, un ami à lui, tenta vainement de persuader les dirigeant de la JSK de rompre la rencontre l’opposant à un club des Aurès (un autre club berbère), Il écrit dans son livre Rebelle : « Un ami est allé trouver la JSK pour demander aux responsables du club d’annuler la partie. Refus. Il a proposé alors que les joueurs portent un brassard noir à la mi-temps. Nouveau refus. Ou les responsables ne se sentaient pas concernés, ou ils craignaient d’éventuelles représailles. Ils ont souvent manqué de courage. La preuve : je leur avais demandé de sponsoriser le Mouvement culturel berbère lors d’un match important…». « Leur refus a été catégorique, sous prétexte que le danger était trop grand. Le danger terroriste, bien sûr. Les dirigeants de la JSK à mon sens, ne sont pas réellement sensible à la cause berbère. ».
Le 24 novembre 1994, Matoub a été l’hôte du directeur de l’UNESCO, en présence de nombreux hommes des arts, des lettres et des journalistes lui rendant hommage pour son combat pour la démocratie. A l’issue de cette rencontre, Lounès a remis à son hôte le coffret complet de son œuvre. Aussi, en guise de reconnaissance et de récompense pour son combat pour la démocratie, il reçoit le 06 décembre de la même année, le Prix de la Mémoire qui lui a remis Madame Danielle Mitterrand à l’amphithéâtre de l’université de la Sorbonne à Paris. Il devient le chanteur le plus médiatisé. Sa popularité ne cesse de prendre de l’ampleur. Sa carrière de chanteur s’approfondit considérablement en faisant dans l’innovation artistique. Ses dernières productions parlent d’elles-mêmes tant sur le plan musical qu’à travers les textes.
En dehors de la France où il se produit très souvent, Lounès a animé un gala le 16 janvier 1993 à Montréal, à l’occasion du nouvel an berbère, puis à New-York le 20 janvier 1993 et en Californie le 13 mars de la même année.
En janvier 1995, il publie aux éditions Stock, à Paris, un livre sur sa vie qu’il considère comme un reflet de son parcours, il disait à propos de cela : « cet ouvrage est la somme de toutes les souffrances passées. Mon rapt, puis ma libération grâce à la mobilisation de la population a été le déclic qui déclenché le besoin d’écrire. C’était un moment important dans ma vie. Quand j’ai été blessé, la population a été pour moi d’un grand réconfort psychologique. Par contre le dernier épisode a été très fort, très douloureux. 15 nuits de séquestration c’est 15 morts consécutives. J’en garde encore des séquelles. C’est ce qui m’a motivé pour écrire ce livre. L’écrit reste comme un témoignage impérissable du péril islamiste auquel certains osent trouver des circonstances atténuantes et vont même jusqu’à le soutenir ».
Deux années après ce succès, en 1997 le rebelle rencontrera Nadia qui deviendra sa troisième femme, après Saadia. Le 25 juin de l’année suivante, revenant de Tizi-Ouzou, afin de rentrer chez lui en compagnie de sa femme et ses belles sœurs, Matoub Lounès fut lâchement assassiné par un groupe armé qui l’assaillirent en tirant sur son véhicule d’une bourrasque de balles de kalachnikov. Ainsi nous quitta à ne plus jamais le symbole de la chanson engagée d’expression kabyle. Tel un coup de tonner, l’information jaillissait de partout la Kabylie. Une grande révolte des populations de Lounès succéda à sa disparition…
Bouleversé par les événements, rattaché par la fidélité à son combat et contraint de mener sa vie telle que voulue pour cause d’insécurité, telle était la situation dont s’était retrouvé Matoub Lounès. C’est son choix ; « Moi j’ai fait un choix. Tahar Djaout avait dit : il y a la famille qui avance et la famille qui recule. J’ai investi mon combat aux cotés de celle qui avance. Je sais que je vais mourir dans un, deux mois, je ne sais pas. Si on m’assassine, qu’on me couvre du drapeau national et que les démocrates m’enterrent dans mon village natal Taourirt Moussa. Ce jour-là, j’entrerai définitivement dans l’éternité ».
De par ses textes, ses chansons, ses interventions…nul ne peut nier ni le talent de Lounès dans la chanson, ni son combat pour une Algérie debout, ni son militantisme zélé pour l’aboutissement de la revendication identitaire.
Dans son dernier album il reprend l’hymne national à sa manière, malgré les dangers qu’ils attendaient : « Je sais que ça va me valoir des diatribes, voire un enfermement, mais je prends ce risque, après tout il faut avancer dans la démocratie et la liberté d’expression »
Il était aussi un fervent défenseur du système fédéral qu’il considérait comme solution à tout les maux de l’Algérie : « Le régionalisme est une réalité politique, il s’agit de l’assumer dans un système fédéral. L’histoire a façonné le peuple algérien suivant des composantes distinctes, qui expriment aujourd’hui des aspirations contradictoires. Il faut diaboliser cette notion de fédéralisme qui est une forme d’organisation très avancée. Régionaliser, c’est donner plus de pouvoir aux régions. C’est pour le bien de tout le pays. Plusieurs exemples dans le monde montre l’efficience de cette forme d’organisation ».
Quelles que soient nos tentatives de faire valoir l’expression, les mots seront pauvres pour évoquer le sacrifice, et l’activisme de Matoub. Le moins qu’on puisse dire qu’on a perdu, un grand chantre, un vrai patriote, un véritable militant de la cause démocratique. Un Rebelle, tout cours !
Le 25 juin 1998 à la mi-journée, Lounès Matoub fut assassiné pas loin de son village au cœur de la Kabylie. Cet assassinat a bouleversé le monde entier et la Kabylie en particulier. La population kabyle a aussitôt déferlé sur Tizi-Ouzou. Des manifestations publiques ont gagné le pays Kabyle entier. Quelques heures après cet assassinat, Noureddine Aït-Hamouda intervient dans les médias internationaux (comme France-Infos) pour affirmer que les assassins sont les islamistes du GIA, idée fixe également développée par Khalida Messaoudi, alors députée-RCD au parlement algérien. C’est ainsi une véritable « pression » médiatique qui s’exerce pour faire admettre la thèse du GIA dans l’assassinat de Lounès. Même Malika Matoub, la sœur de Lounès, déclare que les assassins sont les islamistes du GIA. Plusieurs observateurs se posaient déjà la question de l’intérêt du RCD à vouloir imposer à l’opinion la thèse du GIA dans cet assassinat.
Malgré cette pression, les jeunes manifestants de Kabylie envahissant les rues clamaient fort « Pouvoir assassin ! ». Cette phrase à elle seule résume ce que pense la Kabylie profonde de cet assassinat. La junte militaire, au pouvoir depuis 1962, est clairement mise en cause et rendue responsable de ce crime politique par les foules des manifestants.
Quelques jours plus tard, Malika Matoub revient sur ses déclarations initiales et, avec sa mère, demande à ce que toute la vérité soit faite sur l’assassinat. Elles exigent qu’une véritable enquête soit diligentée. Elles relèvent plusieurs points d’ombre dans la gestion faite par les autorités de cette affaire. A ce jour elles ne cessent de demander à ce que toute la lumière soit faite sur cette affaire.
C’est au tour de Nadia Matoub, par la suite, de se joindre aux voix de Malika et sa mère pour demander une enquête sur l’assassinat. Elle n’exclut aucune piste quant aux auteurs et commanditaires de l’assassinat.
Dans un texte rendu public par le MAOL, Mouvement algérien des officiers libres, en désaccord avec les généraux au pouvoir, il est donné des détails très accablants concernant l’assassinat de Matoub Lounès. Des responsables du RCD à l’époque de l’assassinat de Lounès, en l’occurrence Noureddine Aït-Hamouda et Khalida Messaoudi, ont été cités dans ce texte. D’après le MAOL, Noureddine Aït Hamouda aurait joué un rôle important dans le complot de l’assassinat de Lounès commandité par le haut commandement militaire algérien dans le but de déstabiliser Zeroual et le pousser au départ.
Les éléments du MAOL ne peuvent être qu’une frange de la junte militaire algérienne ; ils sont donc du sérail et s’ils ont évoqué l’affaire Matoub ce n’est que parce qu’ils ont un quelconque intérêt et ce n’est sans doute pas le désir de contribuer à faire connaître la vérité sur cette affaire qui les anime. Eux qui sont des nationalo-arabo-islamistes. Mais dans leurs déclarations ils ont cité des noms et ont évoqué des faits ; ce sont ces éléments qui nous intéressent. Et aux personnes citées de se prononcer et donner leurs versions quant aux faits relevés par le MAOL. Ces personnes doivent notamment démentir les déclarations des officiers du MAOL s’il y a diffamation.
L’autre épisode ayant marqué l’affaire Matoub est le reportage réalisé par la chaîne de télévision française Canal+, dans le cadre de son émission « 90 minutes », consacré à l’affaire Matoub et intitulé « la grande manip ». Ce que l’on peut retenir de ce reportage c’est la convergence de l’ensemble des témoignages vers la thèse d’un assassinat organisé par la junte militaire algérienne. Les témoignages de Malika et Nadia Matoub incitent à se poser des questions quant à l’intérêt du RCD, ou du moins de certains de ses membres dont Noureddine Aït-Hamouda, à vouloir imposer à l’opinion la thèse du GIA dans l’assassinat de Matoub. Ainsi Malika Matoub affirme être félicitée par Noureddine Aït-Hamouda pour avoir soutenu que le GIA était le responsable de l’assassinat. Il lui aurait même proposé de lui faire rencontrer des personnes du haut commandement militaire qui sont satisfaits de ses déclarations. Nadia Matoub, affirme néanmoins que des éléments du RCD lui avaient promis des visas pour elle et ses sœurs ; en contrepartie, elle devait tenir une conférence de presse à Tizi-Ouzou pour laquelle ils lui ont rédigé la déclaration préliminaire qui disait en substance que les assassins étaient des éléments du GIA.
Dans leur ouvrage publié chez les éditions La Découverte, Lounis Aggoun et Jean-Baptiste Rivoire reviennent sur l’assassinat de Lounès et donnent un certain nombre de détails sur l’avant et après assassinat. Ils nous apprennent, par exemple, que le jour de l’assassinat un barrage de gendarmerie s’est mis en place sur la route d’At Douala et les gendarmes se sont mis à dévier la circulation de cette route : seule la Mercedes noire de Lounès sera autorisée à emprunter cette route sur laquelle elle sera mitraillée quelques minutes plus tard…
Avec tous les éléments que nous connaissons à ce jour, il est difficile de ne pas penser que le régime algérien ne soit pas responsable de l’assassinat de Matoub Lounès. La complicité de Kabyles de service est plus qu’évidente ; il était même nécessaire.
Mais si l’on admet cette hypothèse, est-il raisonnable aujourd’hui de s’attendre à ce que l’Etat algérien fasse la lumière sur cette affaire ? Cet Etat est-il en mesure de révéler la vérité sur cet assassinat tant que les clans qui l’ont confisqué ont tout intérêt à la cacher ? Peut-on vraiment parler de justice dans un Etat où la mafia militaire fait de la « bonne gouvernance » ? A force d’attendre la lumière sur cette affaire, nous finirait-on pas par rester dans l’obscurité… et oublier ?
Vaut mieux donc dire que la vérité nous la connaissons : l’ordre d’exécution émanerait du haut commandement militaire algérien. L’exécution de cette tâche a été confiée aux gendarmes et aux supplétifs locaux…
Sa jeunesse
A l’age de neuf ans, il fabrique sa première guitare à partir d’un bidon d’huile de moteur vide, et compose ses premières chansons durant l’adolescence.
Sa prise de conscience identitaire et culturel débute à la confrontation armée entre les Kabyles et les forces gouvernementales en 1963-1964.
En 1968, le gouvernement algérien introduit une politique d’arabisation dans le système éducatif au détriment du berbère. Matoub réagit en n’allant pas à l’école. Finalement, il quitte le système éducatif et devient autodidacte. En 1978, il émigre en France à la recherche de travail.
Son début de carrière musicale
Arrivé en France, Matoub Lounès anime plusieurs soirées dans des cafés parisiens fréquentés par la communauté kabyle. C’est là qu’il se fait remarquer par le chanteur Idir qui l’aide à enregistrer son premier album, Ay Izem, qui remporte un vif succès.
En 1980, le poète se produit pour la première fois à l’Olympia en plein évènements du printemps berbère. Il monte alors sur scène habillé d’une tenue militaire pour manifester son soutien aux manifestants kabyles.
Depuis la sortie de son premier album Ay izem (Ô lion), Matoub Lounès célèbre les combattants de l’indépendance et fustige les dirigeants de l’Algérie à qui il reproche d’avoir usurpé le pouvoir et de brider la liberté d’expression. Chef de file du combat pour la reconnaissance de la langue berbère, il est grièvement blessé par un gendarme en octobre 1988. Il raconte sa longue convalescence dans l’album L’Ironie du sort (1989).
Son engagement
Les textes de Matoub Lounès sont revendicatifs et se consacrent à la défense de la culture berbère.
Il s’oppose à la politique d’arabisation et d’islamisation de l’Algérie. Il parle le kabyle, le français, et comprend l’arabe sans l’employer. C’est un partisan de la laïcité et de la démocratie, et s’est fait le porte-parole des laissés-pour-compte et des femmes.
Opposé à l’islamisme et au terrorisme islamiste, il condamne l’assassinat d’intellectuels. Il fut enlevé le 25 septembre 1994 par le GIA (Groupe Islamique Armée), puis libéré au terme d’une mobilisation de l’opinion publique de la communauté kabyle. La même année, il publie un ouvrage autobiographique, Rebelle, et reçoit le Prix de la mémoire des mains de Danielle Mitterrand.
En 1996, il participe à la marche des rameaux en Italie pour l’abolition de la peine de mort alors qu’en mars 1995, le S.C.I.J.(Canada) lui remet Le Prix de la Liberté d’expression.
En 1998, il sort les albums Tabratt i lḥukem et Ilḥeq-d zzher. Ces derniers sont de genre chaâbi. Il y dénonce la lâcheté et la stupidité du pouvoir algérien. Le morceau Tabratt i lḥukem de l’album éponyme, est construite en « kacide » (enchaînement de musiques différentes). Le dernier morceau est une parodie de Kassaman, l’hymne national algérien.
Le 25 juin 1998, il est assassiné sur la route menant de Tizi Ouzou à At Douala en Kabylie à quelques kilomètres de son village natal (Taourirt Moussa). Les conditions de ce meurtre n’ont jamais été élucidées. Les funérailles du chanteur drainèrent des centaines de milliers de personnes, tandis que toute la région connut plusieurs semaines d’émeutes.
Le 30 juin 1998, le GIA revendique son assassinat.
Après sa mort
Une fondation portant le nom du chanteur a été créée par ses proches pour perpétuer sa mémoire, faire la lumière sur l’assassinat et promouvoir les valeurs d’humanisme défendues pendant la vie de Matoub Lounès .
Cinq rues portant le nom de Matoub Lounès ont été inaugurées en France à sa mémoire :
- A Paris
- A Aubervilliers
- Dans la commune de Saint-Martin-d’Hères près de Grenoble.
- À Vaulx-en-Velin près de Lyon le 22 novembre 2003.
- Dans la commune de Pierrefitte (Seine Saint Denis)
- Une maison du quartier (inaugurée en octobre 2002) et une crèche portent son nom dans la ville de Montreuil (93100).
Matoub Lounès est l’un des artistes kabyles, les plus connus en Kabylie comme dans le monde entier en raison de son engagement.
Source : Wikipédia
SI MOH
Il est temps à présent de compter Mohamed Ahmane, alias Si Moh, parmi les étoiles de la chanson kabyle contemporaine
le chanteur-poète de Tizi-Ouzou né le 13 mai 1959 porte les nouveaux courants d'une musique algérienne dont l'antique métissage permet les interprétations les plus novatrices qui n'altèrent en rien les racines multiples du registre kabyle fondateur. La musique arabe, dont l'histoire traverse les siècles depuis les splendeurs de la Syrie et de la Perse anciennes, s'est nourrie d'influences profuses, sachant que le royaume Al-Andalus où se côtoyaient Arabes, juifs ou chrétiens wisigoths est demeuré le symbole de cette ouverture intellectuelle, qui fut réduite au néant en 1492 par les rois catholiques.
Quand soliste et chœur dialoguent…
Les influences arabe et andalouse se devinent aisément lorsqu'elles ne se lisent pas, à partition ouverte, suivant les strates joliment encombrées d'un palimpseste que le trop discret Si Moh assemble avec une lenteur savante et résolue depuis 1985. Des dix albums édités, de 1985 à 2010 : Hemlagh (J'aime), Our Neslib Ara (On n'est pas fous), Yir Argaz (L'Homme sans scrupule), Thikwal (Parfois je me dis), Cheikh (Le Sage), Tati Batata (La Parlotte), Inas Iwulim (Dis à ton cœur), Thaqsit (L'Histoire d'un opportuniste), Amuli Amegaz (Bon Anniversaire) et Tamughli (Le Regard), des dix albums édités, dis-je, les musicologues retiendront les particularités d'un chant tantôt basé sur la forme responsoriale syllabique, c'est-à-dire ce moment de grâce où le soliste et le chœur dialoguent accompagnés des battements de mains ou bien immergés dans la profondeur d'une derbouka frappée convulsivement, tantôt mû par la récitation épique d'un unique interprète soutenu par le jeu rutilant des cordes pincées de la guitare qui confère à la mélodie une austérité presque dramatique.
Mais il ne sert de rien de prétendre que la mélopée de Si Moh, sa souplesse rythmique, le phrasé et le grain de sa voix s'apparient à du Menguellet ou à du Ferhat : le rythme respiratoire est tout autre et la voix est d'airain. Il ne sert de rien non plus de lui trouver quelque analogie avec l'anarchiste et pacifiste français Georges Brassens. Gardons-nous d'étiqueter, à l'instar des épiciers du show-business, un ménestrel dont l'authenticité intimide et nous éloigne à cent lieues des réclames emphatiques et dérisoires des éditeurs phonographiques, quand bien même, dans les coulisses d'un apprentissage esthétique et précoce, il s'est imprégné des poésies de Louis Aragon, des textes de Jacques Brel et de Gilbert Bécaud, de la douce gravité du folk de Joan Baez et de Bob Dylan.
L'art du prélude
Trois guitares sèches, un clavier et des percussions complétées quelquefois d'une flûte et d'un luth filent les harmonies les plus aériennes. Les musiciens et les choristes qui l'entourent concourent à une fusion polyphonique rare. L'homme est un bon, un excellent rythmicien des mots, un amoureux de la langue, un expert en trouvailles sémantiques et en délicatesses prosodiques. Le mélodiste et poète qu'inséparablement il est devenu, doit être écouté et étudié selon sa singularité et son unicité. Avec lui, les auditeurs fidèles revisitent le foisonnant métissage du corpus musical kabyle. Les plus érudits d'entre eux étendent à raison la généalogie de ses compositions (les premières remontent à la fin de la décennie 1970) bien au-delà d'un continent berbère à la fois perméable aux cultures étrangères et vétilleux à sauvegarder les coutumes, l'idiome et les musiques qu'il recèle au plus intime de son identité. Ainsi les préludes instrumentaux qui introduisent la plupart de ses chansons donnent lieu à de véritables exercices de style et d'improvisation dont l'écoute rappelle tantôt les esquisses de l'époque romantique et les épisodes de la rhapsodie, tantôt l'introduction de la fugue et la suite cahotante de notes dispersées à la faveur de laquelle l'exécutant vérifie l'accord de son instrument ou teste ses cordes vocales…
Cantilènes, ballades et lamentos
Cantilènes nostalgiques, ballades guillerettes, lamentos plaintifs, le répertoire allongé d'une centaine de créations décline les faits et gestes de ses contemporains de la capitale du Djurdjura. Allez savoir pourquoi la beauté aride et la sérénité minérale du massif montagneux de la Grande Kabylie sont à jamais liées dans mon esprit à la complainte d'Amuli amegaz (Le Passé revisité) ? Une lettre déchirée est retrouvée au fond de quelque malle délaissée et la lecture de bribes de phrases déclenche une rétrospection imagée et nostalgique des temps anciens. Un vecteur identique, un tapuscrit à demi effacé, nourrit Tawriqt (L'Histoire éparpillée, de l'album Amuli amegaz) qui incite à réapprendre quelques pans tragiques de l'Histoire de l'Algérie dont l'insurrection de 1871 et la tragédie de la déportation au bagne de Nouméa, en Nouvelle-Calédonie. Chant à l'unisson cadencé par le bendir, un autre titre, Le R'ur' (La Tromperie, de l'album Amuli Amegaz), reprend un genre jadis pratiqué dans les zaouïas (écoles coraniques), l'adekker ou poésie chantée. Si Moh stigmatise le matérialisme d'une époque qui érode peu à peu l'individualité et exhorte ses semblables à recouvrer le chemin de l'authenticité spirituelle. Le fabuliste tempère la gravité de Tayazit'-iw (Ma Poule, de l'album Amuli Amegaz) en dotant le gallinacé d'une puissance d'évocation peu banale, mais c'est afin de fustiger le pouvoir des dominants et déplorer l'infortune des dominés. Avec Chubagh-Kem (On a les mêmes appréhensions toi et moi, de l'album Tati Batata), le phrasé mélodique se déhanche joliment, mystérieux et subtil, comme danse une flamme, afin de célébrer le sentiment amoureux et la femme : chaque fois, la parole sensuelle se frotte à la jouissance de la musique pour exalter l'être aimé. L'humour est salvateur dans Martin qui narre le retour du front d'un poilu de la Première Guerre mondiale 1914-1918 à la bride d'un… mulet. Le musicien Said Aït Mouhoub a plaqué des notes sur l'historiette vraisemblablement influencée par les aventures de Charles Bailly, le prisonnier évadé d'Allemagne en 1943 que joue Fernandel dans le film d'Henri Verneuil, "La Vache et le prisonnier". Il a également raconté, paroles et musique, L'Étrange Voyage (Lexlacel) des candidats à l'émigration clandestine qui jettent leur désespérance à la mer sur des embarcations de fortune. Un troisième comparse, Kadi Abdenour, a prêté sa plume au titre éponyme du récent album Tamughli (Le Regard) où le doute s'insinue à travers la porte entrebâillée de l'amour.
Tout florilège exclut fatalement de belles pépites au milieu desquelles je veux épargner, pour conclure, celle-ci, du plus bel orient. Urgagh themouthedh (J'ai rêvé que tu étais morte, de l'album Yir Argaz) revivifie un des vieux mythes de l'humanité, l'expérimentation du son par les populations du paléolithique au moyen de la première flûte à encoche fabriquée à partir d'un os animal ou humain. Le caractère magique de la symbolique antédiluvienne se conjugue ici à la perpétuelle renaissance de l'amour. Écoutez cette ritournelle :
J'ai rêvé
que tu étais morte et enterrée.
Tes os,
je les ai exhumés.
De l'un d'eux,
j'ai fait une flûte.
À peine y ai-je soufflé,
j'ai fait renaître ta voix
le chanteur-poète de Tizi-Ouzou né le 13 mai 1959 porte les nouveaux courants d'une musique algérienne dont l'antique métissage permet les interprétations les plus novatrices qui n'altèrent en rien les racines multiples du registre kabyle fondateur. La musique arabe, dont l'histoire traverse les siècles depuis les splendeurs de la Syrie et de la Perse anciennes, s'est nourrie d'influences profuses, sachant que le royaume Al-Andalus où se côtoyaient Arabes, juifs ou chrétiens wisigoths est demeuré le symbole de cette ouverture intellectuelle, qui fut réduite au néant en 1492 par les rois catholiques.
Quand soliste et chœur dialoguent…
Les influences arabe et andalouse se devinent aisément lorsqu'elles ne se lisent pas, à partition ouverte, suivant les strates joliment encombrées d'un palimpseste que le trop discret Si Moh assemble avec une lenteur savante et résolue depuis 1985. Des dix albums édités, de 1985 à 2010 : Hemlagh (J'aime), Our Neslib Ara (On n'est pas fous), Yir Argaz (L'Homme sans scrupule), Thikwal (Parfois je me dis), Cheikh (Le Sage), Tati Batata (La Parlotte), Inas Iwulim (Dis à ton cœur), Thaqsit (L'Histoire d'un opportuniste), Amuli Amegaz (Bon Anniversaire) et Tamughli (Le Regard), des dix albums édités, dis-je, les musicologues retiendront les particularités d'un chant tantôt basé sur la forme responsoriale syllabique, c'est-à-dire ce moment de grâce où le soliste et le chœur dialoguent accompagnés des battements de mains ou bien immergés dans la profondeur d'une derbouka frappée convulsivement, tantôt mû par la récitation épique d'un unique interprète soutenu par le jeu rutilant des cordes pincées de la guitare qui confère à la mélodie une austérité presque dramatique.
Mais il ne sert de rien de prétendre que la mélopée de Si Moh, sa souplesse rythmique, le phrasé et le grain de sa voix s'apparient à du Menguellet ou à du Ferhat : le rythme respiratoire est tout autre et la voix est d'airain. Il ne sert de rien non plus de lui trouver quelque analogie avec l'anarchiste et pacifiste français Georges Brassens. Gardons-nous d'étiqueter, à l'instar des épiciers du show-business, un ménestrel dont l'authenticité intimide et nous éloigne à cent lieues des réclames emphatiques et dérisoires des éditeurs phonographiques, quand bien même, dans les coulisses d'un apprentissage esthétique et précoce, il s'est imprégné des poésies de Louis Aragon, des textes de Jacques Brel et de Gilbert Bécaud, de la douce gravité du folk de Joan Baez et de Bob Dylan.
L'art du prélude
Trois guitares sèches, un clavier et des percussions complétées quelquefois d'une flûte et d'un luth filent les harmonies les plus aériennes. Les musiciens et les choristes qui l'entourent concourent à une fusion polyphonique rare. L'homme est un bon, un excellent rythmicien des mots, un amoureux de la langue, un expert en trouvailles sémantiques et en délicatesses prosodiques. Le mélodiste et poète qu'inséparablement il est devenu, doit être écouté et étudié selon sa singularité et son unicité. Avec lui, les auditeurs fidèles revisitent le foisonnant métissage du corpus musical kabyle. Les plus érudits d'entre eux étendent à raison la généalogie de ses compositions (les premières remontent à la fin de la décennie 1970) bien au-delà d'un continent berbère à la fois perméable aux cultures étrangères et vétilleux à sauvegarder les coutumes, l'idiome et les musiques qu'il recèle au plus intime de son identité. Ainsi les préludes instrumentaux qui introduisent la plupart de ses chansons donnent lieu à de véritables exercices de style et d'improvisation dont l'écoute rappelle tantôt les esquisses de l'époque romantique et les épisodes de la rhapsodie, tantôt l'introduction de la fugue et la suite cahotante de notes dispersées à la faveur de laquelle l'exécutant vérifie l'accord de son instrument ou teste ses cordes vocales…
Cantilènes, ballades et lamentos
Cantilènes nostalgiques, ballades guillerettes, lamentos plaintifs, le répertoire allongé d'une centaine de créations décline les faits et gestes de ses contemporains de la capitale du Djurdjura. Allez savoir pourquoi la beauté aride et la sérénité minérale du massif montagneux de la Grande Kabylie sont à jamais liées dans mon esprit à la complainte d'Amuli amegaz (Le Passé revisité) ? Une lettre déchirée est retrouvée au fond de quelque malle délaissée et la lecture de bribes de phrases déclenche une rétrospection imagée et nostalgique des temps anciens. Un vecteur identique, un tapuscrit à demi effacé, nourrit Tawriqt (L'Histoire éparpillée, de l'album Amuli amegaz) qui incite à réapprendre quelques pans tragiques de l'Histoire de l'Algérie dont l'insurrection de 1871 et la tragédie de la déportation au bagne de Nouméa, en Nouvelle-Calédonie. Chant à l'unisson cadencé par le bendir, un autre titre, Le R'ur' (La Tromperie, de l'album Amuli Amegaz), reprend un genre jadis pratiqué dans les zaouïas (écoles coraniques), l'adekker ou poésie chantée. Si Moh stigmatise le matérialisme d'une époque qui érode peu à peu l'individualité et exhorte ses semblables à recouvrer le chemin de l'authenticité spirituelle. Le fabuliste tempère la gravité de Tayazit'-iw (Ma Poule, de l'album Amuli Amegaz) en dotant le gallinacé d'une puissance d'évocation peu banale, mais c'est afin de fustiger le pouvoir des dominants et déplorer l'infortune des dominés. Avec Chubagh-Kem (On a les mêmes appréhensions toi et moi, de l'album Tati Batata), le phrasé mélodique se déhanche joliment, mystérieux et subtil, comme danse une flamme, afin de célébrer le sentiment amoureux et la femme : chaque fois, la parole sensuelle se frotte à la jouissance de la musique pour exalter l'être aimé. L'humour est salvateur dans Martin qui narre le retour du front d'un poilu de la Première Guerre mondiale 1914-1918 à la bride d'un… mulet. Le musicien Said Aït Mouhoub a plaqué des notes sur l'historiette vraisemblablement influencée par les aventures de Charles Bailly, le prisonnier évadé d'Allemagne en 1943 que joue Fernandel dans le film d'Henri Verneuil, "La Vache et le prisonnier". Il a également raconté, paroles et musique, L'Étrange Voyage (Lexlacel) des candidats à l'émigration clandestine qui jettent leur désespérance à la mer sur des embarcations de fortune. Un troisième comparse, Kadi Abdenour, a prêté sa plume au titre éponyme du récent album Tamughli (Le Regard) où le doute s'insinue à travers la porte entrebâillée de l'amour.
Tout florilège exclut fatalement de belles pépites au milieu desquelles je veux épargner, pour conclure, celle-ci, du plus bel orient. Urgagh themouthedh (J'ai rêvé que tu étais morte, de l'album Yir Argaz) revivifie un des vieux mythes de l'humanité, l'expérimentation du son par les populations du paléolithique au moyen de la première flûte à encoche fabriquée à partir d'un os animal ou humain. Le caractère magique de la symbolique antédiluvienne se conjugue ici à la perpétuelle renaissance de l'amour. Écoutez cette ritournelle :
J'ai rêvé
que tu étais morte et enterrée.
Tes os,
je les ai exhumés.
De l'un d'eux,
j'ai fait une flûte.
À peine y ai-je soufflé,
j'ai fait renaître ta voix
SLIMANE AZEM
Poète et chanteur kabyle né le 19 septembre 1918 à agouni gueghran et mort à moissac (tarn et garonne) le 28 janvier 1983.
Slimane AZEM arrive en france dès 1937 et entame une immersion précoce dans les tourments de l'exil. Sa première chanson : a mûh a mûh consacrée à l'émigration paraît dès le début des années 1940, elle servira de prélude à un répertoire riche et varié qui s'étend sur près d'un demi-siècle.
Du point de vue de son contenu, ce répertoire présente des ressemblances frappantes avec celui de si mohand, grand poète kabyle du xixe siècle. Dans un contexte socio-historique différent,Slimane AZEM a, en effet, représenté pour le xxe siècle ce que si mohand fut pour le siècle dernier : le témoin privilégié d'un monde qui vole en éclats, d'une société dont les assises ont été ébranlées en profondeur et dont les valeurs vacillent - même si quelquefois elles se raidissent - face à celles, implacables, du système capitaliste. Le répertoire de Slimane AZEM est donc - à l'image de la société qu'il traduit - traversé en profondeur par ces bouleversements; sa thématique est, à cet égard, tout à fait significative.
Enfin devant la force de l'avalanche cèdent aussi les rapports entre les sexes, rempart ultime de l'édifice social, et Slimane AZEM de décrire, tantôt avec humour, tantôt avec une ironie caustique.
Car ce sont bien les valeurs de la société traditionnelle que Slimane AZEM défend, au besoin en évoquant dieu à grand renfort; la dimension religieuse - sans être dominante - est incontestablement présente dans son répertoire.
Cependant, cette description d'un monde quasi apocalyptique - bien que récurrente - n'a pas l'exclusivité dans l'oeuvre de Slimane AZEM ; il était et il reste pour toute une génération de kabyles - par dessus tout - le poète de l'exil : son évocation de la kabylie, toute empreinte de pudeur, rappelle la douleur d'une plaie demeurée à vif, en témoignent des chansons comme d'aghrib d aberrani : exilé et étranger ay afrux ifilelles : ô hirondelle, oiseau messager a tamurt-iw aàzizen : ô mon pays bien-aimé.
Enfin dans ce répertoire vaste, riche et plein de nuances, se remarque une absence quasi totale de la poésie lyrique, lorsque cet aspect est effleuré, il ne l'est que par touches extrêmement discrètes; il est certain que ce silence résulte d'un choix, peut-être est-ce le tribut que le poète a consenti à payer afin de briser le tabou lié à la chanson, car on rapporte que Slimane AZEM avait le souci d'interpeller les siens au moyen de chansons qui pouvaient être écoutées «en famille», c'est-à-dire en tous points conformes aux règles de la bienséance.
Slimane AZEM arrive en france dès 1937 et entame une immersion précoce dans les tourments de l'exil. Sa première chanson : a mûh a mûh consacrée à l'émigration paraît dès le début des années 1940, elle servira de prélude à un répertoire riche et varié qui s'étend sur près d'un demi-siècle.
Du point de vue de son contenu, ce répertoire présente des ressemblances frappantes avec celui de si mohand, grand poète kabyle du xixe siècle. Dans un contexte socio-historique différent,Slimane AZEM a, en effet, représenté pour le xxe siècle ce que si mohand fut pour le siècle dernier : le témoin privilégié d'un monde qui vole en éclats, d'une société dont les assises ont été ébranlées en profondeur et dont les valeurs vacillent - même si quelquefois elles se raidissent - face à celles, implacables, du système capitaliste. Le répertoire de Slimane AZEM est donc - à l'image de la société qu'il traduit - traversé en profondeur par ces bouleversements; sa thématique est, à cet égard, tout à fait significative.
Enfin devant la force de l'avalanche cèdent aussi les rapports entre les sexes, rempart ultime de l'édifice social, et Slimane AZEM de décrire, tantôt avec humour, tantôt avec une ironie caustique.
Car ce sont bien les valeurs de la société traditionnelle que Slimane AZEM défend, au besoin en évoquant dieu à grand renfort; la dimension religieuse - sans être dominante - est incontestablement présente dans son répertoire.
Cependant, cette description d'un monde quasi apocalyptique - bien que récurrente - n'a pas l'exclusivité dans l'oeuvre de Slimane AZEM ; il était et il reste pour toute une génération de kabyles - par dessus tout - le poète de l'exil : son évocation de la kabylie, toute empreinte de pudeur, rappelle la douleur d'une plaie demeurée à vif, en témoignent des chansons comme d'aghrib d aberrani : exilé et étranger ay afrux ifilelles : ô hirondelle, oiseau messager a tamurt-iw aàzizen : ô mon pays bien-aimé.
Enfin dans ce répertoire vaste, riche et plein de nuances, se remarque une absence quasi totale de la poésie lyrique, lorsque cet aspect est effleuré, il ne l'est que par touches extrêmement discrètes; il est certain que ce silence résulte d'un choix, peut-être est-ce le tribut que le poète a consenti à payer afin de briser le tabou lié à la chanson, car on rapporte que Slimane AZEM avait le souci d'interpeller les siens au moyen de chansons qui pouvaient être écoutées «en famille», c'est-à-dire en tous points conformes aux règles de la bienséance.
CHERIF KHEDDAM
Né le 1er janvier 1927 à Aït Bou Messaoud en Haute Kabylie, Cherif Kheddam est l’ainé de cinq enfants et dont le père était un homme pieux et respecté.
Cherif Kheddam appartient à une modeste famille maraboutique affiliée à la confrérie des Rahmania.
En 1936, son père décide de l’envoyer à l'école française située à 17 km. Toutefois, les conditions étant dures, il change d'avis et l'envoie chez Cheikh Oubelkacem de la zaouïa des Boudjellil, située en face de Tazmalt, dans la wilaya de Bgayet pour poursuivre l’acquisition de la haute culture lettrée.
En 1942, il termine son cursus coranique.
A l'âge de 12 ans il débarque à Alger pour travailler comme journalier dans une entreprise de construction à Oued-Smar.
Trois années plus tard, suite à une dispute avec son patron, il quitte Oued-Semar.
En 1947, Chérif Kheddam quitte l’Algérie pour la France. À son arrivée, il s'établit à Saint-Denis puis à Epinay.
De 1947 à 1952, il exerce dans une fonderie et, de 1953 à 1961, dans une entreprise de peinture. Parallèlement à son dur métier, Cherif Kheddam prend des cours de solfège le soir chez des particuliers.
C’est donc dans le contexte de l’émigration que Chérif commence à pratiquer la musique et le chant. Tahar Djaout écrit à propos de l'exil de Chérif Kheddam : "C'est en France où il arrive à l'âge de 21 ans qu'il découvre vraiment l'art : la chanson maghrébine, arabe ou occidentale, les films égyptiens. Chérif Kheddam s'intéresse à tout cela de façon presque ludique. S'il y a chez lui une "arrière-pensée" professionnelle, il ne se prend pas pour autant au sérieux, ne pense pas pouvoir un jour vivre de l'art. Pour la chanson kabyle de l'époque, la scène était occupée par Slimane Azem, Cheikh El-Hasnaoui et Alloua Zerrouki. (...) Tout en demeurant sensible à toute belle musique, Chérif Kheddam se sent de plus en plus attiré par l'art occidental. Il découvre la musique classique, s'en imprègne, éprouve pour elle un grand penchant."
Sa première chanson Yellis n tmurt iw (Fille de mon pays), enregistrée le mois de juillet sur un disque 78-tours grâce au concours d'un ami français, libraire de profession. La diffusion du disque par la RTF (Radio-Télévision française) lui assura un certain succès.
Malgré son premier succès, Chérif kheddam chante dans des conditions toujours difficiles. Il mène deux activités diamétralement opposées : le travail dur de l’ouvrier et la création artistique qu’il tentera de maîtriser pleinement.
Chérif Kheddam persévère dans cette voie grâce à l’encouragement de ses amis, en particulier Madame Sauviat, disquaire, spécialisée dans la chanson orientale, qui, ayant remarqué la qualité de cette chanson, le dirigera vers Pathé Marcon qui lui établit un contrat en 1956.
Il compose pour Radio Paris, puis pour l'ORTF plusieurs morceaux exécutés par le grand orchestre de la radio sous la direction de Pierre Duvivier. D'autres pièces sont interprétées en 1963 par l'orchestre de l'Opéra comique.
Mais du côté de ses confrères chanteurs, on a compris que la démarche de Chérif Kheddam est une démarche d'avenir. Ainsi la rencontre avec Ahmed Hachelef, directeur artistique, sera également importante dans la carrière de l’auteur. Les affres de l’exil et de la guerre d’Algérie le poussent au repli sur soi et à la création. De cette situation paradoxale naît l’œuvre musicale de Chérif qui va se tourner vers une carrière professionnelle.
Conscient de l’indigence qui affecte le patrimoine musical enfermé dans une tradition sclérosée, il tente de l’enrichir, de le rénover sans gommer ses caractéristiques. Il a su créer un espace d’expression ouvert sur la modernité, imposer une rigueur au niveau de la création qu’il n’a pas manqué d’inculquer aux jeunes chanteurs. Il a en effet, encadré des groupes et formé des émules de la chanson moderne qui, aujourd’hui encore, se réclament avec fierté du maître. Parmi eux, on trouvera des noms connus dans la chanson militante amazighe : le groupe Yugurten, Ferhat Imazighen Imoula, Idir, Aït Menguellet, Malika Domrane, Nouara, Ahcène Abassi...
Pendant l'année 1958, Chérif Kheddam composa et enregistra certaines de ses plus belles chansons : Nadia, Djurdjura, Khir Ajellav n'Tmurtiw, entre autres. Chérif Kheddam, qui a une très haute idée de la poésie, ne se considère pas comme un poète : il a répété à qui veut l'entendre que, pour lui, la musique est plus importante que les paroles, témoigne Tahar Djaout. Et pourtant, les compositions poétiques de notre chanteur sont d'une extrême sensibilité, d'une rythmique envoûtante faisant mouvoir un appareil métaphorique d'une originalité certaine. Qu'il chante la femme kabyle, la montagne du Djurdjura, l'exil, la patrie, l'indépendance, l'amour et ses déboires, Chérif Kheddam exalte des valeurs esthétiques indéniables et s'éloigne du moralisme ambiant ayant marqué certains chanteurs de l'époque. La chanson Alemri est un exemple de réussite poétique et musicale qui fait partie des œuvres éternelles de l'auteur.
En 1963, Chérif Kheddam rentre au pays et prend contact avec la Chaîne II de la radio nationale qui l'engage aussitôt. Il avait animé plusieurs émissions de radio, mais c'est avec Ighennayen Uzekka qu'il sera connu et hautement apprécié pour avoir déniché des talents, conseillé et encouragé les nouveaux venus au monde de la chanson. Son émission équivalait à un sévère jury qui donnait le quitus à un avenir artistique pour le candidat ou le conseil pour s'éloigner d'une aventure où il risquerait de perdre du temps et de l'énergie pour rien.
Il est aussi sollicité comme professionnel dans une commission d'écoute en kabyle et en arabe au sein de l'ex-RTA. C'est grâce à lui que la chorale du lycée Fadhma-N'soumer fut créée. L'idée se propagea aux autres établissements jusqu'à sélectionner plus tard les chorales du lycée Amirouche et du lycée El Khensa, d'où sortira par exemple la célèbre Malika Domrane. Chérif Kheddam prit sa retraite administrative en 1988.
Peut-on parler de Chérif Kheddam sans citer Nouara, la diva qui l'a accompagné dans un grand nombre de ses chansons et à qui il a composé des poèmes et des musiques ? Cet heureux mariage artistique entre deux sommets de l'art est sans doute un exemple unique dans la chanson kabyle en matière d'harmonie, de symbiose esthétique et d'affinités électives.
Cherif Kheddam est mort en France d’une longue maladie le 23 janvier 2012 à l’âge de 85 ans.
Il a été inhumé, le vendredi, 27 janvier, dans son village natal, Boumessaoud ( Tizi Ouzou), en présence des milliers de personnes qui l’ont accompagné à sa dernière demeure.
La première partie est tiré du blog de algeriartist
Cherif Kheddam appartient à une modeste famille maraboutique affiliée à la confrérie des Rahmania.
En 1936, son père décide de l’envoyer à l'école française située à 17 km. Toutefois, les conditions étant dures, il change d'avis et l'envoie chez Cheikh Oubelkacem de la zaouïa des Boudjellil, située en face de Tazmalt, dans la wilaya de Bgayet pour poursuivre l’acquisition de la haute culture lettrée.
En 1942, il termine son cursus coranique.
A l'âge de 12 ans il débarque à Alger pour travailler comme journalier dans une entreprise de construction à Oued-Smar.
Trois années plus tard, suite à une dispute avec son patron, il quitte Oued-Semar.
En 1947, Chérif Kheddam quitte l’Algérie pour la France. À son arrivée, il s'établit à Saint-Denis puis à Epinay.
De 1947 à 1952, il exerce dans une fonderie et, de 1953 à 1961, dans une entreprise de peinture. Parallèlement à son dur métier, Cherif Kheddam prend des cours de solfège le soir chez des particuliers.
C’est donc dans le contexte de l’émigration que Chérif commence à pratiquer la musique et le chant. Tahar Djaout écrit à propos de l'exil de Chérif Kheddam : "C'est en France où il arrive à l'âge de 21 ans qu'il découvre vraiment l'art : la chanson maghrébine, arabe ou occidentale, les films égyptiens. Chérif Kheddam s'intéresse à tout cela de façon presque ludique. S'il y a chez lui une "arrière-pensée" professionnelle, il ne se prend pas pour autant au sérieux, ne pense pas pouvoir un jour vivre de l'art. Pour la chanson kabyle de l'époque, la scène était occupée par Slimane Azem, Cheikh El-Hasnaoui et Alloua Zerrouki. (...) Tout en demeurant sensible à toute belle musique, Chérif Kheddam se sent de plus en plus attiré par l'art occidental. Il découvre la musique classique, s'en imprègne, éprouve pour elle un grand penchant."
Sa première chanson Yellis n tmurt iw (Fille de mon pays), enregistrée le mois de juillet sur un disque 78-tours grâce au concours d'un ami français, libraire de profession. La diffusion du disque par la RTF (Radio-Télévision française) lui assura un certain succès.
Malgré son premier succès, Chérif kheddam chante dans des conditions toujours difficiles. Il mène deux activités diamétralement opposées : le travail dur de l’ouvrier et la création artistique qu’il tentera de maîtriser pleinement.
Chérif Kheddam persévère dans cette voie grâce à l’encouragement de ses amis, en particulier Madame Sauviat, disquaire, spécialisée dans la chanson orientale, qui, ayant remarqué la qualité de cette chanson, le dirigera vers Pathé Marcon qui lui établit un contrat en 1956.
Il compose pour Radio Paris, puis pour l'ORTF plusieurs morceaux exécutés par le grand orchestre de la radio sous la direction de Pierre Duvivier. D'autres pièces sont interprétées en 1963 par l'orchestre de l'Opéra comique.
Mais du côté de ses confrères chanteurs, on a compris que la démarche de Chérif Kheddam est une démarche d'avenir. Ainsi la rencontre avec Ahmed Hachelef, directeur artistique, sera également importante dans la carrière de l’auteur. Les affres de l’exil et de la guerre d’Algérie le poussent au repli sur soi et à la création. De cette situation paradoxale naît l’œuvre musicale de Chérif qui va se tourner vers une carrière professionnelle.
Conscient de l’indigence qui affecte le patrimoine musical enfermé dans une tradition sclérosée, il tente de l’enrichir, de le rénover sans gommer ses caractéristiques. Il a su créer un espace d’expression ouvert sur la modernité, imposer une rigueur au niveau de la création qu’il n’a pas manqué d’inculquer aux jeunes chanteurs. Il a en effet, encadré des groupes et formé des émules de la chanson moderne qui, aujourd’hui encore, se réclament avec fierté du maître. Parmi eux, on trouvera des noms connus dans la chanson militante amazighe : le groupe Yugurten, Ferhat Imazighen Imoula, Idir, Aït Menguellet, Malika Domrane, Nouara, Ahcène Abassi...
Pendant l'année 1958, Chérif Kheddam composa et enregistra certaines de ses plus belles chansons : Nadia, Djurdjura, Khir Ajellav n'Tmurtiw, entre autres. Chérif Kheddam, qui a une très haute idée de la poésie, ne se considère pas comme un poète : il a répété à qui veut l'entendre que, pour lui, la musique est plus importante que les paroles, témoigne Tahar Djaout. Et pourtant, les compositions poétiques de notre chanteur sont d'une extrême sensibilité, d'une rythmique envoûtante faisant mouvoir un appareil métaphorique d'une originalité certaine. Qu'il chante la femme kabyle, la montagne du Djurdjura, l'exil, la patrie, l'indépendance, l'amour et ses déboires, Chérif Kheddam exalte des valeurs esthétiques indéniables et s'éloigne du moralisme ambiant ayant marqué certains chanteurs de l'époque. La chanson Alemri est un exemple de réussite poétique et musicale qui fait partie des œuvres éternelles de l'auteur.
En 1963, Chérif Kheddam rentre au pays et prend contact avec la Chaîne II de la radio nationale qui l'engage aussitôt. Il avait animé plusieurs émissions de radio, mais c'est avec Ighennayen Uzekka qu'il sera connu et hautement apprécié pour avoir déniché des talents, conseillé et encouragé les nouveaux venus au monde de la chanson. Son émission équivalait à un sévère jury qui donnait le quitus à un avenir artistique pour le candidat ou le conseil pour s'éloigner d'une aventure où il risquerait de perdre du temps et de l'énergie pour rien.
Il est aussi sollicité comme professionnel dans une commission d'écoute en kabyle et en arabe au sein de l'ex-RTA. C'est grâce à lui que la chorale du lycée Fadhma-N'soumer fut créée. L'idée se propagea aux autres établissements jusqu'à sélectionner plus tard les chorales du lycée Amirouche et du lycée El Khensa, d'où sortira par exemple la célèbre Malika Domrane. Chérif Kheddam prit sa retraite administrative en 1988.
Peut-on parler de Chérif Kheddam sans citer Nouara, la diva qui l'a accompagné dans un grand nombre de ses chansons et à qui il a composé des poèmes et des musiques ? Cet heureux mariage artistique entre deux sommets de l'art est sans doute un exemple unique dans la chanson kabyle en matière d'harmonie, de symbiose esthétique et d'affinités électives.
Cherif Kheddam est mort en France d’une longue maladie le 23 janvier 2012 à l’âge de 85 ans.
Il a été inhumé, le vendredi, 27 janvier, dans son village natal, Boumessaoud ( Tizi Ouzou), en présence des milliers de personnes qui l’ont accompagné à sa dernière demeure.
La première partie est tiré du blog de algeriartist
EL HASNAOUI
Cheikh El Hasnaoui ou Mohamed Khelouat pour l’état civil est un musicien de chaâbi algérien. Son nom d'emprunt se réfère à sa région natale, où il naît le 23 juillet 1910 au village de Taazibt située au sud de la ville de Tizi-Ouzou, en Kabylie.
Il s'adonnait à la musique à l'insu de ses parents - son père particulièrement, car il était orphelin de mère - et ce, par
amour à sa dulcinée Fatma.
Celle-ci a donné un tournant particulier à sa vie. Cette femme a été l'amour de sa vie, à tel point que toutes ses œuvres lui étaient destinées, à 17 ans, il demanda la main de Fatma qu'on lui refusa, car elle était promise.
Il s'installe alors à Alger, là, il compose sa première chanson dédiée à sa défunte mère, ayant pour titre "Ayema Yema". D'après Kamel Hamadi, son meilleur ami a été El Hadj M'rizek.
Au bout de 6 années passées à Alger, en 1937, il décide de s'exiler en France, dans le XVe arrondissement de Paris. En 1946, il enregistre chez Odeon 13 chansons, toutes des succès. Trois ans plus tard, il récidive avec 11 succès. Durant la guerre de Libération nationale, cheikh El Hasnaoui avait arrêté toute son activité par solidarité. En 1967, il crée sa maison d'édition Disque Nahon, éditant quelques titres.
En 1968, il arrête volontairement toutes ses activités artistiques en offrant son instrument, un mandole au maître Akli Yahyatène, célèbre chanteur du fameux texte Yal Menfi. Cheikh El Hasnaoui décède le 6 juillet 2002 à l'âge de 92 ans à l'île de la Réunion, où il est enterré.
Cheikh El Hasnaoui souvent associé à un titre majeur intitulé " La Maison Blanche " s’illustre dès les années 1930 en créant un style propre à lui et reconnaissable à sa cascade de voix grave, aux sonorités lancinante du banjo et à ses textes qui évoquent la douleur sentimentale. Douleur pour laquelle, le thème de l'exil deviendra par ailleurs le leïmotiv d'une grande partie de son œuvre.
Voici une partie de la discographie de Cheikh El Hasnaoui
- A tiḥdayin
- A tin ḥemmleγ
- A yemma, yemma
- Abeḥri ttsellim fell-as
- Acut wagi ?
- Ad ṛuḥeγ
- Anda ara ttafeγ ?
- Aqleγ nesbek
- At wakal aberkan
- Ayen ? Ayen ?
- Bu laεyun tiberkanin
- Bu Tabani
- Ccix ameqṛan
- Faḍma
- Inet-as ma ad yas ?
- Lkas di lkas
- Lγeṛba tewεeṛ
- M ddḥuḥ
- Ma tebγiḍ anṛuḥ
- Ma tebγiḍ, nek bγiγ
- Maison blanche
- Ijaḥ ṛṛay-is
- Mṛeḥba s leḥbab
- Ṛebbi lmaεbud
- Ṛuḥ ay aḥnin-iw
- Ṛwaḥ, ṛwaḥ
- Sani ? Sani ?
- Sidi Ṛebbi d areẓẓaq
- Tiqbayliyin
- Tṛuḥeḍ teǧǧiḍ-iyi
En arabe
- Ya maḥla llil
- Ana mamḥun
- Ya maḥla-k
- Ma ǧit-ini-c
- Ḥabib qalb-i
- εib εli-kum
- Cufu, cufu
- Bnat ṣṣoḥba
- Ṛaḥ ḥabibi ṛaḥ
- Naṣhaṛ llil
- Ṛed bal-k
- Ṭγeṛṛebt
- Laḥbab
- Hola hop
- Ya zahiya
- Lḥebb
- A ǧini
- Ttbeddel zzman
- Lli yeεceq
- Ya nuǧum llil
- εceqt-k εecqa
Il s'adonnait à la musique à l'insu de ses parents - son père particulièrement, car il était orphelin de mère - et ce, par
amour à sa dulcinée Fatma.
Celle-ci a donné un tournant particulier à sa vie. Cette femme a été l'amour de sa vie, à tel point que toutes ses œuvres lui étaient destinées, à 17 ans, il demanda la main de Fatma qu'on lui refusa, car elle était promise.
Il s'installe alors à Alger, là, il compose sa première chanson dédiée à sa défunte mère, ayant pour titre "Ayema Yema". D'après Kamel Hamadi, son meilleur ami a été El Hadj M'rizek.
Au bout de 6 années passées à Alger, en 1937, il décide de s'exiler en France, dans le XVe arrondissement de Paris. En 1946, il enregistre chez Odeon 13 chansons, toutes des succès. Trois ans plus tard, il récidive avec 11 succès. Durant la guerre de Libération nationale, cheikh El Hasnaoui avait arrêté toute son activité par solidarité. En 1967, il crée sa maison d'édition Disque Nahon, éditant quelques titres.
En 1968, il arrête volontairement toutes ses activités artistiques en offrant son instrument, un mandole au maître Akli Yahyatène, célèbre chanteur du fameux texte Yal Menfi. Cheikh El Hasnaoui décède le 6 juillet 2002 à l'âge de 92 ans à l'île de la Réunion, où il est enterré.
Cheikh El Hasnaoui souvent associé à un titre majeur intitulé " La Maison Blanche " s’illustre dès les années 1930 en créant un style propre à lui et reconnaissable à sa cascade de voix grave, aux sonorités lancinante du banjo et à ses textes qui évoquent la douleur sentimentale. Douleur pour laquelle, le thème de l'exil deviendra par ailleurs le leïmotiv d'une grande partie de son œuvre.
Voici une partie de la discographie de Cheikh El Hasnaoui
- A tiḥdayin
- A tin ḥemmleγ
- A yemma, yemma
- Abeḥri ttsellim fell-as
- Acut wagi ?
- Ad ṛuḥeγ
- Anda ara ttafeγ ?
- Aqleγ nesbek
- At wakal aberkan
- Ayen ? Ayen ?
- Bu laεyun tiberkanin
- Bu Tabani
- Ccix ameqṛan
- Faḍma
- Inet-as ma ad yas ?
- Lkas di lkas
- Lγeṛba tewεeṛ
- M ddḥuḥ
- Ma tebγiḍ anṛuḥ
- Ma tebγiḍ, nek bγiγ
- Maison blanche
- Ijaḥ ṛṛay-is
- Mṛeḥba s leḥbab
- Ṛebbi lmaεbud
- Ṛuḥ ay aḥnin-iw
- Ṛwaḥ, ṛwaḥ
- Sani ? Sani ?
- Sidi Ṛebbi d areẓẓaq
- Tiqbayliyin
- Tṛuḥeḍ teǧǧiḍ-iyi
En arabe
- Ya maḥla llil
- Ana mamḥun
- Ya maḥla-k
- Ma ǧit-ini-c
- Ḥabib qalb-i
- εib εli-kum
- Cufu, cufu
- Bnat ṣṣoḥba
- Ṛaḥ ḥabibi ṛaḥ
- Naṣhaṛ llil
- Ṛed bal-k
- Ṭγeṛṛebt
- Laḥbab
- Hola hop
- Ya zahiya
- Lḥebb
- A ǧini
- Ttbeddel zzman
- Lli yeεceq
- Ya nuǧum llil
- εceqt-k εecqa
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