Les kabyles comme tous les êtres de leur race humaine peuvent être touché par des maladies, ces dernières sont considérées par fois comme une malédiction qui vient de dieu, iaassassen (les gardiens) ou des forces nuisibles comme la magie (Tidht).
Pour faire guérir de ces maladies, les kabyles ont pratiqué certaines méthodes qui sont considéré par eux comme des traitements efficaces.
La maladie pouvant avoir des causes occultes diverses, il est nécessaire de les connaître avant d'entreprendre tout traitement. En cas de doute, on prend donc un œuf que l'on fait tourner sept fois autour de la tête du malade puis on y trace à la suie, avec l'annulaire1, deux cercles, l'un vertical, l'autre horizontal, et l'on fait un point à chaque extrémité en prononçant:
«Je t'ai marqué avec l'annulaire, Puisses-tu ne plus avoir de nom!»
On met ensuite l'œuf sous la cendre chaude. S'il se fend à l'extrémité la plus pointue, la maladie est due au mauvais œil; à l'autre bout, aux génies; au milieu, elle est envoyée par Dieu.
TRAITEMENT DES MALADIES
Le traitement des maladies est toujours institué moins en raison des symptômes apparents que de leurs causes surnaturelles. Il apparaît avant tout comme une stratégie ayant pour but de dépister et de chasser le mal, d'où les nombreux rites qui dès l'abord peuvent surprendre mais dont la logique indéniable est basée sur certains principes de magie sympathique ou imitative. Ils sont en général précédés de quelques pratiques médicales auxquelles on attribue toujours une efficacité moindre et que l'on emploie seulement dans les cas les plus bénins. Les maladies, pour la plupart, sont donc soignées par des rites d'expulsion du mal et ce n'est que lorsque ceux-ci s'avèrent à leur tour inopérants qu'on a recours, en dernier lieu, aux saints guérisseurs dont le culte est d'ailleurs fortement entaché de survivances pré-islamiques comme il sera vu.
Si l'on considère la seule cause physique de la maladie, on constate que pour les traitements employés la pharmacopée est des plus réduites. Le traitement est surtout basé sur l'emploi des simples et des drogues ou isufar.
Il est d'ailleurs difficile de faire la différence entre les procédés qui sont du domaine strictement médical et d'autres pratiques que l'on serait tenté de considérer comme telles : fumigations, pose de sangsues ou de ventouses scarifiées, cautérisations... si l'on ne savait qu'elles participent d'un tout autre esprit. Ainsi la fumée est le véhicule des vertus bienfaisantes des produits consumés pour apaiser les génies; le sang comble leurs désirs; l'ustion est par contre un supplice infligé aux génies qui tourmentent le malade.
1 Les simples — Toutes les femmes savent reconnaître les plantes médicinales et les employer à bon escient. Elles les utilisent en tisanes, en emplâtres, en en exprimant le suc, suivant les vertus qu'on leur attribue.
Les tisanes de pouliot (ffeîeggu}, de menthe (nna'na)3 de thym (zsa'tar), de mélisse (ifer z-zizwà) sont recommandées contre les affections branchiales.
Contre l'inflammation des glandes inguinales (iwlsan) on trace une croix à la suie avec l'annulaire en disant :
«Je t'ai marqué avec l'annulaire Fuisses-tu ne plus avoir de nom!»
Contre l'engorgement et les abcès aux seins (tawla t-tebbttct), mettre d'abord le sein dans la petite gourde appelée kbni er-rreppwi : «La maison de Dieu» puis, pour faire percer l'abcès, y appliquer des emplâtres émollients de feuilles de mauve cuites dans de l'huile.
D'autres affections tégumentaires très graves, qui sont des accidents secondaires de la syphilis ou de la tuberculose — et vraisemblablement aussi la lèpre ~ ne sont soignées que par des rites d'asfe! — sacrifice d'un bouc en raison de la gravité du mal. Tels sont la nécrose du nez et de la voûte palatale (îamselmit) ou la gangrène spontanée des extrémités (qwarrad). Cette dernière est d'ailleurs très rare et l'individu qui en est atteint annonce son approche dans les chemins ou lorsqu'il vient boire aux fontaines et les femmes affolées s'enfuient à son arrivée.
La gomme syphilitique (tislit ppwanzar ou «l'arc-en-ciel») apparaît à la jambe lorsqu'on pose le pied à l'endroit où un arc-en-ciel a touché terre, et au bras lorsqu'on le montre du doigt. Le malade enveloppe sa jambe ou son bras dans un chiffon; sur le pied ou la main il noue un foulard de tête, trace au-dessous, à la suie, un visage, le farde, l'embellit d'un collier, attache à la poupée ainsi faite une ceinture, puis va creuser un trou dans un tas de fumier et y enterrer le membre un moment, après quoi il le dépouille de ses oripeaux et le lave sept fois.
Si le malade accomplit un asfeï asemmad, il ira le manger sur une tombe abandonnée, il y laissera le plat et la cuillère, creusera la terre et dans le trou ainsi fait mettra un instant le membre malade enveloppé d'un chiffon, puis se lavera sept fois et reviendra par un autre chemin.
L'adénite chronique tuberculeuse porte divers noms suivant la cause qu'on lui attribue. Ainsi les tigusin atteignent ceux qui ont jeté aux ordures, par inadvertance, au lieu de les brûler, les fiches de bois (tigusin) usagées. Pour combattre cette affection on fait donc brûler une tagwest, on en recueille la cendre, on la mélange à du goudron, de l'asa-foetida, du marrube, de l'aloès, et on en enduit les abcès.
L'adénite est appelée tikurin lorsqu'on fait entrer dans la maison des pelotes de laine (tikurin) filées par une personne étrangère. Il faut alors prendre l'extrémité intérieure d'une takurt, la faire brûler, en mélanger le résidu avec du goudron, du marrube, de l'asa-foetida, de l'aloès et appliquer cet emplâtre sur le cou.
La simple parotidite (aqezzul) est soulagée par des cataplasmes de mauve cuite dans de l'huile et mélangée à de la farine d'orge ou par des emplâtres de terre et le jonc des marais (tabuda) écrasé. Il est recommandé d'employer de la terre provenant d'un nid d'hyctère (A*liabenennay ou «A'ii le maçon».